Mythologie pédagogique

17 mythes déconstruits

Sous la direction de Jean-Louis Berger

Chapitre 10

On peut apprendre sans comprendre

Lea Briguet

Résumé 

Nous décrivons le mythe « on peut apprendre sans comprendre » en le définissant comme un synonyme de l’apprentissage par cœur. Il s’agit d’un mythe qui circule dans différents milieux, mais surtout dans les classes, chez les enseignant·e·s et chez les élèves. Historiquement, apprendre sans comprendre était nécessaire pour pouvoir transmettre le patrimoine culturel aux générations futures. Aujourd’hui, l’idée que c’est une forme à part entière d’apprentissage est partiellement maintenue. Nous postulons que le mythe n’est pas entièrement faux, mais qu’il s’agit plutôt d’une question de ce qu’apprendre signifie. Dans la vision constructiviste, apprendre veut dire construire sa propre compréhension d’un phénomène rencontré. Ainsi, il ne serait pas possible d’apprendre sans comprendre. Néanmoins, diverses études linguistiques nous montrent que l’apprentissage par cœur pourrait favoriser le développement de compétences dans une langue étrangère. Il est important de ne pas utiliser ce mythe comme base unique pour la méthode d’apprentissage des élèves en classe, sous peine de leur ôter une part importante de formation, comme le développement de l’esprit critique, de la créativité et de compétences plus complexes. 

 

Description du mythe 

Pour décrire le mythe « on peut apprendre sans comprendre », nous l’associons à l’apprentissage par cœur. Ce mythe induit qu’une compréhension de l’objet étudié n’est pas nécessaire pour apprendre. Cette définition de l’apprentissage est très proche de ce que nous entendons par apprendre par cœur (Abernot et collab., 2011). Ainsi, nous pouvons inférer, pour ce travail, qu’apprendre sans comprendre équivaut au fait d’apprendre par cœur. 

Aussi appelé psittacisme, l’apprentissage par cœur a connu dans les dernières décennies des moments plus ou moins populaires dans différents milieux. Les croyances qui l’entourent font un va-et-vient entre visions positives et négatives. Un ministre de l’Éducation dans un canton suisse aurait plaidé pour la réintroduction de la mémorisation à l’école, car elle apporterait un avantage de restitution identique du savoir (Maulini, 2016). En France, les nouveaux programmes de l’école primaire, entrés en vigueur en 2008, ont fait réapparaître le psittacisme dès la grande section maternelle (Abernot et collab., 2011). Ces derniers auteurs nous indiquent par ailleurs que deux pôles principaux existent quant à l’adhésion à ce concept : les conservateurs, qui en seraient les défendeurs, et les progressistes, qui en seraient les contestateurs. L’opinion publique, elle, fluctuerait selon les périodes. Le mythe circule ainsi dans un milieu très vaste, allant de l’éducation, comme les salles de classe, jusqu’aux discours politiques. 

Il relève d’un débat épistémologique sur la manière dont nous définissons ce qu’apprendre et savoir signifient. Si nous considérons qu’un savoir éphémère mobilisant la reproduction par cœur est le produit visé de l’apprentissage, alors les élèves peuvent apprendre sans comprendre. Bhattacharya (2022) décrit ce phénomène comme une « impression mécanique ». Il s’agit éventuellement aussi d’un héritage du behaviorisme, qui décrit l’apprentissage comme la suite d’un renforcement répétitif. Au contraire, si l’objectif attendu des apprenant·e·s est de raisonner, le savoir doit être réflexivement relié à un contenu existant à travers entre autres la compréhension (Maulini, 2016). 

 

Pour quelle(s) raison(s) ce mythe existe-t-il? 

Historiquement, la transmission du savoir avant la découverte de l’écriture était réalisée à l’oral. Une méthode systématique était par conséquent nécessaire pour transmettre fiablement le patrimoine culturel et les valeurs; une mémorisation exacte atteinte à travers des mnémotechniques et l’apprentissage par cœur (Abernot et collab., 2011; Aumont et Mesnier, 2006; Bhattacharya, 2022; Maulini, 2016). La première notion de transmission du savoir était ainsi un apprentissage automatique, sans compréhension attendue ou nécessaire. 

En Inde, les pratiques de psittacisme étaient initialement liées à une idéologie de l’alphabétisation qui prône la passivité de l’apprenant·e (Bhattacharya, 2022). L’apprentissage par cœur restreint la manière dont les élèves peuvent participer à l’analyse critique des contenus présentés. Ce type de pratique place les élèves dans une position passive et désengagée face à l’apprentissage. 

L’avantage pédagogique perçu du par cœur est l’affichage rapide et plus ou moins fiable du savoir (Maulini, 2016). Abernot et ses collègues (2011) rapportent que le corps enseignant est plutôt enclin à utiliser l’apprentissage par cœur sans doute pour sa proximité avec l’évaluation, car il s’agit de reproduire par cœur. En effet, si la vision d’un apprentissage réussi est la performance lors d’une évaluation, alors les formes d’évaluation privilégiées seront celles qui mobilisent le par cœur, plutôt que le développement réflexif. Celles-ci permettent aussi un gain de temps lors des corrections. Dans l’enseignement des langues, les enseignant·e·s considèrent l’apprentissage de chunks5 comme la méthode efficace pour développer le savoir des élèves au cours des premières années d’apprentissage (Mitchell et Martin, 1997). 

 

Pourquoi ce mythe est-il erroné? 

L’affirmation « on peut apprendre sans comprendre » n’est pas erronée en soi. La nuance réside dans la définition donnée au processus d’apprentissage. Comme l’écrit Maulini (2016), l’apprentissage par cœur ou « l’automatisation d’une fonction n’est ni bonne ni mauvaise en soi : tout dépend du but visé » (p. 1). Cette méthode ne sera pas efficace si l’objectif de l’apprenant·e est de maîtriser un contenu ou une compétence. S’il ou elle veut démontrer une performance ou éviter la confrontation à la construction de savoir, alors le par cœur est une mobilisation possible. 

Les pratiques éducatives sont fondées sur des hypothèses quant à la nature de l’apprentissage humain (Johnson, 2009). Certaines de ces hypothèses favorisent plutôt un apprentissage par cœur, d’autres un apprentissage plus complexe nécessitant la compréhension de l’objet. Si l’objectif est l’obéissance à un dogme dépassant l’élève (p. ex., la récitation d’un poème ou du Notre Père), dans ce cas, l’apprentissage par cœur est approprié. S’il est attendu que l’élève raisonne pour résoudre des problèmes complexes, alors l’apprentissage sans comprendre ne sera pas efficace, car il ne permet pas de transférer les connaissances et les compétences à des problèmes de nature différente (Maulini, 2016). 

Il existe trois modes principaux d’appropriation de savoirs et de savoir-faire, qui suivent trois courants de pensée (Aumont et Mesnier, 2006) :  

  1. Le behaviorisme : Il voit l’apprentissage comme une modification du comportement sous l’effet d’un conditionnement. Ce processus n’implique pas une compréhension de la part de l’apprenant·e de l’objet à apprendre. Il s’agit d’un automatisme qui est intériorisé, plutôt que d’un apprentissage par la compréhension des concepts.  
  2. Le constructivisme : Il voit l’apprentissage comme une construction progressive des connaissances par l’apprenant·e.  
  3. La théorie sociale cognitive : Décrite par Albert Bandura (2001), elle stipule que l’apprentissage est réalisé à travers plusieurs processus. D’une part, par le traitement d’une information à la suite de l’observation d’un comportement et de ses conséquences (apprentissage vicariant). D’autre part, lorsque l’apprenant·e fait quelque chose activement (apprentissage inactif) (Schunk et Usher, 2012). 

Pour démontrer que ce mythe est – en tout cas, partiellement – erroné, nous nous concentrons sur les deux premiers modèles théoriques, qui, d’après nous, définissent au mieux la distinction entre apprendre sans comprendre et en comprenant. Nous présentons d’abord le behaviorisme, qui ne considère pas la compréhension dans l’apprentissage et qui indique donc qu’il est possible d’apprendre sans comprendre. Ensuite, nous mobilisons le constructivisme afin d’expliquer pourquoi cette vision est erronée. 

Le behaviorisme dans les pratiques éducatives donne lieu à l’instructivisme (instructionism), dans lequel les enseignant·e·s sont vus comme des transmetteurs de la réalité objective et les élèves, des récepteurs passifs du savoir (Johnson, 2009; Zhang, 2022). L’apprentissage est perçu comme mécanique, passif et hautement prescriptif.  

Le constructivisme est à l’opposé de l’instructivisme. L’apprenant·e reconstruit une réalité socialement et culturellement validée sur la base de ses propres expériences et interactions avec l’environnement (Johnson, 2009). C’est une construction subjective du monde qui l’entoure.  

En mobilisant la définition constructiviste de l’apprentissage, le mythe d’« apprendre sans comprendre » peut être réfuté. L’apprenant·e participe activement à la construction du savoir en l’adaptant à ses propres idées, au lieu de le recevoir passivement (Johnson, 2009; Phillips, 1995; Zhang, 2022). Un savoir est considéré comme acquis s’il peut être transféré dans une situation-problème inconnue jusqu’alors par l’apprenant·e. Le restituer tel quel ne permet donc pas de parler de savoir dans le sens constructiviste.  

Giordan et Saltet (2007) indiquent qu’il est impératif de comprendre pour apprendre et de mobiliser son savoir, et non seulement le mémoriser. De fait, nous observons une distinction claire entre mémorisation et apprentissage. L’acte d’apprendre est défini par Aumont et Mesnier (2006) comme une réorganisation de ses acquis antérieurs face à un objet que l’apprenant·e veut s’approprier. Or, pour les réorganiser, il faut comprendre l’objet en question. Ainsi, un apprentissage par cœur est utile pour des connaissances simples comme des tables de multiplication, mais, pour développer des compétences plus complexes, il faut une compréhension plus approfondie des objets étudiés (Johnson, 2009). Autrement dit, pour développer des compétences plus complexes, nécessaires dans toute société, le processus d’apprentissage est plus important que la répétition mécanique du savoir. L’apprentissage doit permettre de résoudre des problèmes réalistes, l’objectif étant de faciliter la compréhension de l’élève, et non l’absorption de savoirs pour les restituer tels quels. 

Aujourd’hui, les apports de Piaget ont largement été acceptés (Zhang, 2022). Le savoir complexe et les savoir-faire ne sont pas uniquement transmis de manière passive ni absorbés par l’apprenant·e, mais sont construits activement par le sujet (Phillips, 1995; Zhang, 2022). Comme indiqué auparavant, ces propos doivent cependant être nuancés. Des études montrent qu’il y a en effet un lien entre l’apprentissage par cœur et un apprentissage de compétences complexes. Apprendre par cœur serait l’étape préliminaire, voire conjointe à l’apprentissage dans le sens constructiviste du terme. 

La première étude que nous mobilisons est celle d’Abernot et ses collègues (2011). Il s’agit d’une recherche exploratoire sur l’apprentissage par cœur. Un questionnaire sur les pratiques a été partagé en ligne, auquel 34 enseignant·e·s d’école ont répondu. Plusieurs aspects du par cœur ont été remis en question, dont la fréquence de mobilisation de cette méthode, le but attendu ou encore « si l’apprentissage par cœur favorise la compréhension, est favorisé par la compréhension ou est indépendant de la compréhension (plusieurs réponses possibles) » (Abernot et collab., 2011, p. 8). Ces auteurs montrent que le corps enseignant participant à leur étude pense que l’apprentissage par cœur pourrait, dans certaines conditions, faciliter la compréhension par la suite. Les deux types d’apprentissage seraient donc complémentaires.  

Mitchell et Martin (1997), qui ont effectué une étude longitudinale sur trois ans de l’apprentissage du français en tant que langue étrangère en classe, sont arrivées à une conclusion similaire. Les élèves qui n’ont pas réussi à apprendre un corpus par cœur sont plutôt pénalisés ultérieurement dans le développement du langage. L’apprentissage par cœur d’un vocabulaire faciliterait ensuite le passage à un contrôle créatif de la langue. Par exemple, dans des exercices de communication, les élèves doivent adapter ce qu’ils ou elles ont appris par cœur aux nouvelles demandes de la situation, de manière créative. 

L’étude de Bhattacharya (2022) sur les pratiques enseignantes en Inde en classe d’anglais langue seconde donne une autre piste pour montrer pourquoi le mythe ne peut pas être confirmé. Il s’agit également d’une étude longitudinale menée auprès de six garçons et de trois enseignant·e·s. Les données récoltées sont sous forme d’observations, d’interviews et de notes sur les pratiques d’apprentissage par cœur et sur les idéologies liées. Les résultats indiquent qu’il existe des limites à ce que le par cœur peut apporter à l’apprentissage d’une langue seconde lorsqu’on ne l’utilise pas à bon escient. En effet, l’autrice montre que, lorsque les enseignant∙e∙s transitionnent entre l’anglais et le hindi sans expliciter le lien entre les deux langues, cela provoque la perte de compréhension du sens des mots. Aucune traduction des termes n’est proposée aux élèves et le corps enseignant récite des paragraphes entiers d’une langue à l’autre, ce qui rend impossible l’identification du sens singulier des mots. Pour réussir les épreuves, les élèves sont ainsi obligés de se fonder sur la mémorisation par cœur des mots et des phrases en anglais, tout en ne comprenant pas leur signification. Les compétences en anglais ne sont donc pas développées et la perte de sens limite la possibilité de réinvestissement des connaissances.  

Cette étude peut être mise en lien avec l’apprentissage significatif d’Ausubel (2000). Pour qu’un élève apprenne de manière significative un contenu, les conditions d’apprentissage doivent être favorables et le contenu doit avoir du sens pour lui ou elle. De plus, ce contenu doit pouvoir être lié à une structure cognitive adaptée et celle de l’apprenant·e doit contenir des idées auxquelles le nouveau matériel pourrait être relié. Dans le cas des élèves parlant hindi et apprenant l’anglais en classe, ce n’est pas le cas et il leur est impossible de créer un apprentissage significatif de ces expériences. Le fait pour un individu de reproduire par cœur un contenu ne veut pas forcément dire savoir ou avoir appris, mais qu’il s’agit d’une simple répétition de ce que d’autres personnes ont dit avant lui (Maulini, 2016). Dans le cas de l’apprentissage significatif, chaque compréhension créée par les élèves est unique, car elle est dépendante de leur structure cognitive individuelle. L’apprentissage par cœur ne permet pas de faire ces liens ni de créer du sens par soi-même. 

Le mythe ne peut – et ne devrait – pas être entièrement réfuté. Il doit être nuancé; l’apprentissage n’est en effet pas un simple par cœur qui ne nécessite pas de compréhension. Aujourd’hui, un des objectifs des pratiques enseignantes, particulièrement mis en avant dans les plans d’études, est de permettre la pensée critique, créative et un raisonnement approfondi sur les éléments appris. Ces compétences ne peuvent pas se développer à travers un apprentissage mécanique des savoirs. C’est à travers la confrontation à des situations-problèmes et leur résolution que les élèves construisent leur compréhension et apprennent.  

Néanmoins, dans certains cas, il peut être bénéfique de débuter avec du par cœur afin de permettre l’apprentissage de certains éléments qui seront les bases pour la suite d’un développement de compétences; par exemple, pour l’apprentissage d’une langue étrangère, où l’élève doit commencer par apprendre le vocabulaire avant de pouvoir comprendre les structures de phrases. 

 

Quels sont les problèmes engendrés par ce mythe? 

Le premier problème identifié est que le mythe laisse croire que les élèves doivent absorber tout ce qu’on leur indique, le reproduire mécaniquement et que cela constitue tout ce qui peut être appris (Abernot et collab., 2011). Les enseignant∙e∙s apprennent aux élèves quoi penser, plutôt que comment penser (Bhattacharya, 2022). Cette autrice relève que cette méthode développe des compétences de mémorisation, et non de communication, de créativité et de pensée critique, qui sont plus importantes. Khan et Ashraf (2023) soutiennent que cette pensée et cette méthode produisent un manque de concentration des institutions sur ces compétences clés. Les apprenant·e·s sont indirectement forcés à apprendre par cœur et ressentent un sentiment de fatalisme quand, lors d’épreuves, ils et elles tombent sur des sujets inconnus (Aumont et Mesnier, 2006). Nous pouvons ici faire un lien avec la passivité attendue des apprenant·e·s. Bhattacharya (2022) montre que les élèves obligés d’apprendre les contenus par cœur par manque de compréhension ne peuvent pas construire leur propre savoir ni développer leurs compétences en anglais. Pour finir, cet apprentissage mécanique promeut une certaine image d’élèves qui doivent apprendre à être identiques en « leur inculquant le même discours totalitaire » (Abernot et collab., 2011, p. 14). 

Une seconde critique est la restriction de la qualité de l’apprentissage des élèves. En effet, le mythe laisse croire à certains corps enseignants, notamment en Inde (Bhattacharya, 2022), qu’apprendre par cœur est la seule forme de savoir utile pour la suite. Au Pakistan, une croyance similaire est présente. Cette manière de penser donne l’impression que, puisqu’il est possible d’apprendre sans comprendre, la restitution mécanique des savoirs est le seul apprentissage nécessaire pour avoir de bonnes notes, réussir les années scolaires et trouver du travail (Khan et Ashraf, 2023). L’apprentissage de compétences plus complexes, nécessaire pour évoluer dans nos sociétés mondialisées, est ainsi complètement laissé de côté. Pour les minorités, c’est un problème, car ces méthodes ne leur permettent pas d’accéder à une éducation qualitative et elles en paient le prix socioéconomique dans leur futur sur le marché du travail. Seuls les élèves disposant de connaissances sur ce qui est attendu à l’école (curriculum caché) peuvent vraiment apprendre par cœur durablement, ce qui s’ajoute à cette discrimination sociale (Abernot et collab., 2011). Johnson (2009) insiste aussi sur le fait qu’un curriculum entièrement prescrit sous la forme de transmission de savoir passive ne permet pas aux élèves de mobiliser des apprentissages ni de les utiliser pour leur futur. En effet, l’apprentissage par cœur ne permet d’internaliser que de petits contenus, indiqués de manière verbatim et arbitraire, et ce, uniquement à court terme (Ausubel, 2000). 

 

Pistes de réflexion pour contrer le mythe et pour l’explorer  

Certains courants, comme le constructivisme, ont pu démontrer que le mythe est partiellement erroné. Une utilisation abusive de cette méthode d’apprentissage mécanique semble avoir des effets néfastes sur les apprentissages et sur les résultats chez les élèves. Afin d’éviter cela, un approfondissement du savoir et du lien entre apprentissage par cœur et apprentissage de compétences complexes avec compréhension serait nécessaire.  

En effet, la manière dont l’humain apprend est très complexe. Différents processus sont impliqués sans qu’une seule explication claire et précise définisse tout le phénomène. Comme nous avons pu le voir, l’apprentissage de chunks serait positif, car il permet par la suite de développer plus aisément la compréhension et l’utilisation du langage (Mitchell et Martin, 1997).  

Ainsi, l’apprentissage par cœur aurait également ses avantages. L’enseignement pourrait être amélioré en éclaircissant la relation entre ces deux perspectives : le par cœur et l’apprentissage de compétences complexes qui mobilise la compréhension. Dans ce sens, la proposition de Johnson (2009) de relier l’instructivisme et le constructivisme pour permettre un apprentissage complet pourrait être un point de départ.  

Les formations des enseignant∙e∙s pourraient inclure ce lien entre les deux formes d’apprentissage ainsi que leurs avantages et inconvénients. Les enseignant·e·s eux-mêmes pourront ainsi éclaircir les élèves sur l’utilité d’une forme d’apprentissage sur l’autre, dans différents contextes, afin d’éclairer le mythe.  

Bref, pour apprendre, le par cœur est utile dans certaines situations précises, mais la plupart des compétences nécessaires dans notre monde nécessitent une construction des savoirs par la compréhension. 

Bibliographie

Abernot, Y., Audran, J. et Penso, E. (2011). L’apprentissage par cœur, au-delà de la polémique. Les cahiers du CERFEE, 30(1), 119-139. https://doi.org/10.4000/edso.15714  

Aumont, B. et Mesnier, P.-M. (2006). L’acte d’apprendre (3e éd.). L’Harmattan. 

Ausubel, D. P. (2000). The acquisition and retention of knowlege: A cognitive view (1re éd.). Springer Netherlands. 

Bandura, A. (2001). Social cognitive theory: An agentic perspective. Annual Review of Psychology, 52(1), 1-26. https://doi.org/10.1146/annurev.psych.52.1.1 

Bhattacharya, U. (2022). “I am a parrot”: Literacy ideologies and rote learning. Journal of Literacy Research, 54(2), 113-136. https://doi.org/10.1177/1086296X221098065 

Giordan, A. et Saltet, J. (2011). Apprendre à apprendre (2e éd.). Librio. 

Johnson, G. M. (2009). Instructionism and constructivism: Reconciling two very good ideas. International Journal of Special Education, 24(3), 90-98. https://files.eric.ed.gov/fulltext/EJ877941.pdf 

Khan, Q. et Ashraf, S. (2023). Examination-centered approach instead of student-centered: Negative washbacks, spoiling real learning in education. Bulletin of Education and Research, 45(2), 93-106. https://files.eric.ed.gov/fulltext/EJ1408636.pdf 

Maulini, O. (2016). Que penser… de l’apprentissage par cœur à l’école? Université de Genève. https://archive-ouverte.unige.ch/unige:95124 

Mitchell, R. et Martin, C. (1997). Rote learning, creativity and “understanding” in classroom foreign language teaching. Language Teaching Research, 1(1), 1-27. https://doi.org/10.1177/136216889700100102 

Phillips, D. C. (1995). The good, the bad, and the ugly: The many faces of constructivism. Educational Researcher, 24(7), 5-12. https://doi.org/10.3102/0013189X024007005 

Schunk, D. H. et Usher, E. L. (2012). Social cognitive theory and motivation. Dans M. R. Richard (dir.), The Oxford handbook of human motivation (p. 13-27). Oxford University Press. 

Zhang, J. (2022). The influence of Piaget in the field of learning science. Higher Education Studies, 12(3), 162-168. https://doi.org/10.5539/hes.v12n3p162 

Table des matières

Cet ouvrage collectif propose une réflexion approfondie sur certaines croyances tenaces qui continuent d’influencer le domaine de l’éducation. Il s’attache à démonter des idées reçues, telles que l’importance des styles d’apprentissage, la considération de la motivation à apprendre comme un trait de personnalité ou encore le fait qu’enseigner serait un don. L’ouvrage se distingue par son approche rigoureuse, fondée sur une analyse critique des données scientifiques disponibles. Les chapitres, rédigés par des étudiants en master de sciences de l’éducation à l’université de Fribourg, ont été soumis à un processus de relecture et de révision par les pairs.

Au-delà d’une simple remise en cause des pratiques existantes, cet ouvrage invite à une réflexion sur la complexité des phénomènes éducatifs et sur la nécessité de remettre en question des notions trop souvent acceptées sans preuve. Les analyses présentées apportent un éclairage essentiel pour quiconque souhaite comprendre les limites de certaines théories en éducation.

Cette Mythologie pédagogique constitue un outil utile pour les praticiens, chercheurs et étudiants désireux de dépasser les idées reçues et d’adopter une approche plus critique et éclairée dans le domaine de l’éducation.