Auteure: Morgane Nissille – morgane.nissille@unifr.ch
1. Introduction
Apprendre. Derrière l’apparente simplicité de ce verbe se cache en réalité une dynamique complexe, un processus fondamental qui permet à chacun∙e de transformer sa manière de penser et d’agir sur le monde. Mais alors, qui gouverne cet acte si commun et à la fois si puissant ? Sous quelles conditions se déroule-t-il ? Quelles forces internes et/ou externes influencent cette dynamique ? Ces questions ont longtemps fasciné et captivent encore de nombreux domaines scientifiques. Des figures majeures comme Jean Piaget (1896-1980), en psychologie du développement, B.F. Skinner (1904-1990), en psychologie comportementale, et plus récemment Olivier Houdé, en neurosciences cognitives – pour n’en citer que quelques-un∙e∙s –, ont consacré (ou consacrent encore) leur vie à explorer les mécanismes de l’apprentissage. Leurs travaux, offrant des perspectives plurielles sur ce phénomène complexe, ont profondément enrichi notre compréhension du sujet et contribué à l’évolution des méthodes pédagogiques, orientant ainsi les pratiques des enseignant∙e∙s et formateur∙rice∙s pour favoriser l’acquisition du savoir et la réussite des apprenant∙e∙s (Chapelle & Bourgeois, 2011).
Selon Cosnefroy (2014), apprendre ne se résume pas à une simple absorption passive de nouvelles informations. C’est un processus qui exige d’être doté∙e de connaissances préalables et de savoir mettre en œuvre des stratégies d’apprentissage efficaces de manière active et durable, ce qui revient à considérer ce processus sous un « double registre, [à la fois] cognitif et motivationnel » (Cosnefroy, 2014, p.167). En d’autres termes, cela implique d’envisager le « soi » (self) apprenant sous le prisme « d’une interaction de processus personnels, comportementaux et environnementaux » (Bandura, 1968, cité dans Zimmermann, 2022, p.71). Apprendre nécessite donc l’activation et le maintien de cognitions, d’émotions et de comportements, tous orientés vers l’accomplissement d’un but (Cosnefroy, 2014). Cela implique dès lors un ajustement continu de l’effort dans ces trois dimensions, afin de garantir une progression constante vers l’objectif fixé. Ce processus d’ajustements, qui s’inscrit au cœur de l’apprentissage, fait référence à l’auto-régulation, permettant à l’apprenant∙e de prendre le contrôle de son apprentissage et d’agir consciemment sur les différentes contraintes inhérentes aux contenus à apprendre. Les recherches ont par ailleurs montré que l’utilisation efficace des processus d’auto-régulation est fortement prévisionnelle de la réussite des étudiant∙e∙s, de même que la perception qu’ont ces dernier∙ère∙s de leurs capacités d’auto-régulation exerce une influence significative sur la fixation de leurs objectifs et, plus largement, sur leur réussite universitaire. (Zimmermann, 2002).
La question qui se pose alors est : comment peut-on mesurer les capacités d’auto-régulation des étudiant∙e∙s universitaires ? La suite de ce travail présentera l’application de deux instruments développés par des chercheur∙euse∙s, permettant de décrire l’autorégulation des apprenant∙e∙s. En outre, une discussion des résultats obtenus sera présentée, soulignant à la fois les implications bénéfiques et les limites de ces mesures pour la compréhension de l’autorégulation dans le contexte académique.
2. Instrument commun: Self-Regulated Learning Interview Schedule (SRLIS)
L’outil SRLIS, qui a permis de démontrer que l’utilisation des processus d’autorégulation se révélait être hautement prédictive de la réussite des étudiant∙e∙s (Zimmermann, 2002), a été utilisé pour évaluer l’apprentissage autorégulé de quelques apprenant∙e∙s de l’Université de Fribourg. Pour approfondir cette démarche, deux personnes volontaires ont été invitées à passer cet instrument de mesure. Cette approche a permis non seulement d’explorer les principes sous-jacents au développement de cet instrument, mais aussi d’appliquer les concepts théoriques à l’analyse des résultats obtenus, tout en discutant des avantages et des limites de l’outil.
2.1 Description de l’outil
Développé par Zimmermann et Martinez-Pons (1986), le SRLIS est un outil structuré sous forme d’entretien directif conçu pour mesurer l’autorégulation des apprentissages. Il recueille des données qualitatives à travers six scénarios représentant des situations d’apprentissage courantes, permettant d’explorer les stratégies d’autorégulation déclarées par les apprenant∙e∙s.
Les réponses ouvertes sont ensuite codées en 14 catégories de stratégies-clé, couvrant des processus personnels, comportementaux et environnementaux. Ce codage rend possible la conversion des données qualitatives en données quantitatives exploitables, grâce à une évaluation sur une échelle à 4 points, indiquant la fréquence d’utilisation de chaque stratégie. Ce processus reflète le modèle d’autorégulation cyclique (Bandura, 1986, cité par Zimmermann, 2002) et permet de quantifier les habitudes d’autorégulation des apprenant∙e∙s.
2.2 Description de l’échantillon
L’échantillon pour ce travail se compose de deux femmes étudiantes à l’Université de Fribourg, sélectionnées pour tester le premier instrument de recherche SRLIS. La première, âgée de 26 ans, est en train de terminer son Master en français à la Faculté des lettres et des sciences humaines. La seconde, âgée de 23 ans, entame sa seconde année de Master en science du sport à la Faculté des sciences et de médecine.
2.3 Description de la méthodologie
2.3.1 Echantillonnage
Une approche d’échantillonnage accidentel a été adoptée, reposant sur le recrutement de participant∙e∙s facilement accessibles et disponibles. Bien que cette méthode soit rentable en termes de temps et de ressources, elle présente des biais, notamment un manque de représentativité et de diversité des caractéristiques des participant∙e∙s. Ces limitations peuvent influencer les variables analysées et restreindre la généralisation des résultats, des éléments à prendre en compte lors de l’interprétation des données.
2.3.2 Appropriation de l’outil et adaptation selon l’échantillon
Afin de pouvoir mener l’exercice efficacement, il a été nécessaire de s’approprier l’outil et de l’adapter en fonction des caractéristiques de l’échantillon.
2.3.2.1 Réalisation d’un guide d’entretien et adaptation thématique des items
Un guide d’entretien a été élaboré sur la base de la présentation de l’outil SRLIS (voir annexes), en s’appuyant sur des modèles fréquemment utilisés en recherche. Il comprend une introduction précisant le contexte, l’objectif, la confidentialité des données et la structure de l’entretien. Des relances ont été ajoutées pour approfondir les réponses aux six scénarios (Blanchet & Gotman, 2001), ainsi qu’une phase de clôture pour faciliter la conclusion de l’échange.
Par ailleurs, le scénario 1 a été adapté pour correspondre aux thèmes pertinents du cursus des répondantes. Ainsi, « l’histoire des droits civiques » a été remplacée par « le processus de réhabilitation après une blessure » pour l’étudiante en sport, et par « la place de la femme dans la littérature française » pour l’étudiante en français.
2.3.3 Collecte de données
La collecte des données s’est effectuée à deux moments différents pour chacune des répondantes, sous la forme d’entretiens enregistrés et retranscrits (voir annexes). Les guides, présentant les six scénarios, étaient imprimés et mis à la disposition des répondantes lors de l’entretien.
2.3.4 Traitement des données
Transcription des entretiens : Les entretiens ont été transcrits avec l’outil intégré à Microsoft Word, permettant une conversion automatique en texte. Une relecture et des ajustements ont été réalisés pour garantir la précision. Les transcriptions ont ensuite été structurées dans un format lisible (cf. annexes).
Analyse catégorielle des textes avec Taguette : Les transcriptions ont été importées dans Taguette (logiciel libre et gratuit pour l’analyse qualitative des textes) où des codes basés sur les stratégies SRLIS ont été créés. Un accord interjuge a été établi avant pour clarifier les codes et pendant le codage pour garantir la cohérence (Bandalos, 2015). Les transcriptions ont été segmentées en unités de sens et codées en fonction des stratégies SRLIS pour faciliter l’analyse des verbatims (cf. annexes).
Report des occurrences dans Excel : Les verbatims codés ont été exportés vers Excel (cf. annexes). Chaque stratégie a été classée dans une colonne distincte, permettant de comptabiliser la fréquence et l’occurrence des stratégies identifiées.
Création de graphiques pour l’analyse des tendances : Les données exportées ont été utilisées pour créer des graphiques − présentés au chapitre suivant − facilitant la présentation des résultats et mettant en évidence les tendances dans l’utilisation des stratégies d’autorégulation.
2.4 Présentation des résultats
Figure 1
Comparaison des stratégies d’autorégulation utilisées par S1et S2 en pourcentage
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Les graphiques en camembert montrent la répartition des verbatims liés aux stratégies d’autorégulation mentionnées par les deux sujets. Les données en pourcentage permettent une comparaison standardisée entre les sujets. Il est important de noter que ces graphiques reflètent uniquement les occurrences des verbatims associés à une stratégie, et non les fréquences d’utilisation de ces stratégies, bien que ces dernières aient été mesurées.
De manière générale, on remarque une répartition plus équilibrée des stratégies chez le sujet 2 (S2), où les parts du graphique sont plus homogènes. Cela indique une utilisation relativement uniforme des différentes stratégies. En revanche, chez le sujet 1 (S1), les parts sont plus contrastées, avec une forte dominance de certaines stratégies par rapport à d’autres.
Chez S1, la structuration de l’environnement est la stratégie la plus utilisée par S1 (23 %), illustrée par des pratiques comme la limitation des distractions :« Déjà j’enlève mon téléphone, c’est une distraction ».Les stratégies auto-évaluation, organisation et transformation, et révision des informations occupent également une place importante (19 % chacune), indiquant une certaine diversité. Cependant, des stratégies comme recherche d’informations et recherche d’aide sociale ne sont pas utilisées (0 %), montrant une approche d’apprentissage relativement autonome.
Chez S2, la structuration de l’environnement est également dominante (20 %), mais elle s’accompagne d’autres stratégies comme répétition et mémorisation et organisation et transformation (12 % chacune). Cela reflète une approche diversifiée mais plus équilibrée dans l’ensemble. Un exemple concret de structuration de l’environnement est donné par S2 « Moi, je travaille beaucoup avec la musique. J’ai tout le temps de la musique ». Les stratégies restantes oscillent entre 8 % et 4 %, et comme chez S1, la recherche d’aide sociale est absente (0 %). Cela pourrait indiquer une préférence marquée pour des méthodes d’apprentissage individuelles.
Bien que non présentées sur les graphiques ci-dessus, les fréquences relevées permettent de mettre en évidence une autre observation importante. Certains verbatims n’ont pas pu être catégorisés dans les stratégies définies par l’outil SRLIS, bien qu’ils semblent significatifs dans le processus d’auto-régulation. Ces verbatims récurrents pourraient correspondre à une nouvelle catégorie, comme la « satisfaction des besoins physiologiques » (ex. S1 : aller aux toilettes avant de réviser,S2 : boire davantage de cafés et prendre plus de snus pendant les révisions/le travail). La fréquence de ces mentions, calculée entre 3 et 4 sur une échelle d’utilisation, indique que ces comportements jouent un rôle fréquent et pertinent dans le processus d’auto-régulation des apprentissages des deux étudiantes. Cette observation suggère l’intérêt potentiel d’étendre les catégories de l’outil SRLIS pour mieux intégrer ces aspects dans l’évaluation des stratégies d’auto-régulation.
2.5 Discussion de l’outil : avantages et limites
L’outil SRLIS présente de nombreux avantages dans l’évaluation des capacités d’auto-régulation. Sa flexibilité permet de combiner une analyse qualitative et quantitative, grâce à la collecte de données riches comme le nombre d’occurrences et les fréquences, qui offrent des perspectives détaillées sur les stratégies mobilisées. Les scénarios proposés contextualisent les réponses, rendant la discussion plus concrète et réaliste, tout en facilitant l’identification des facteurs de succès ou d’échec. Cependant, la longueur des scénarios exige un support écrit pour garantir la clarté et la précision des réponses. Bien que le codage détaillé permette d’analyser finement les stratégies, il nécessite un accord interjuge et peut s’avérer coûteux en temps et en ressources. Un manuel de codage plus précis pourrait améliorer la cohérence des analyses.
Par ailleurs, les catégories de l’outil pourraient être actualisées pour intégrer de nouvelles pratiques, comme le recherche d’aide numérique (telle que ChatGPT) ou la satisfaction de besoins physiologiques, souvent évoqués par les participant·e·s. Ces ajouts permettraient de mieux refléter les dimensions modernes et complètes de l’auto-régulation.
Enfin, une limite notable réside dans les risques d’interprétation erronée des pratiques déclarées des participant·e·s. Par exemple, on peut déduire qu’une pratique déclarée vise une stratégie particulière, alors qu’elle pourrait répondre à un autre objectif non explicité. Cette difficulté met en lumière l’importance de poser des questions clarificatrices et d’adopter une posture réflexive pour s’assurer que les interprétations s’appuient sur les données collectées plutôt que sur des hypothèses ou des présupposés.
3. Instrument n°2 : SRL Microanalysis
Après l’analyse de l’outil SRLIS, ce chapitre examine le SRL Microanalysis comme second instrument pour l’étude des processus d’apprentissage autorégulé. L’objectif est de présenter son application concrète, d’évaluer ses forces et limites, et de le comparer au SRLIS pour identifier les similarités et divergences méthodologiques et pratiques.
3.1 Description de l’outil
Le SRL Microanalysis est un outil d’évaluation de l’apprentissage autorégulé, conçu pour observer les processus d’autorégulation en temps réel, durant la réalisation d’une tâche concrète, comme la lecture d’un texte suivie d’un questionnaire à choix multiple. Contrairement au SRLIS, qui évalue des pratiques déclarées par les apprenant·e·s, le SRL Microanalysis se concentre sur les pratiques effectives. Également basé sur le modèle d’autorégulation de Zimmerman (2002), il examine les stratégies cognitives, motivationnelles et métacognitives en posant des questions lors des trois phases clés de la tâche : anticipation, performance et auto-réflexion
3.2 Description de l’échantillon
L’échantillon de cette étude se compose des mêmes deux étudiantes que dans le chapitre consacré à l’outil SRLIS.
3.3 Description de la méthodologie
Figure 2 :
Etapes méthodologiques de passation de l’entretien SRL Microanalysis

Avant que les participantes ne commencent la tâche, une série de questions préliminaires leur a été posée pour identifier leurs stratégies d’anticipation face à l’exercice qui leur était proposé. Ces questions, de nature ouverte, visaient à encourager les participantes à exprimer leurs intentions et leurs préparations face à la tâche. Après la lecture du texte, une question leur a été posée sur une échelle de Likert de 1 à 5 afin d’évaluer leur perception de compréhension du contenu lu. Cette auto-évaluation préliminaire de leur compréhension a précédé l’administration du questionnaire à choix multiple (QCM), conçu pour mesurer objectivement leur niveau de compréhension du texte.
À l’issue du QCM, des questions supplémentaires ont permis d’explorer les stratégies utilisées et les défis rencontrés pendant la tâche. Enfin, des questions post-tâche ont permis de recueillir leurs réflexions sur les stratégies employées pour surmonter ces défis. Le protocole d’entretien structuré (cf. annexes) a assuré la cohérence des échanges, qui ont été enregistrés et retranscrits (cf. annexes).
Les entretiens retranscrits ont ensuite été soumis à une analyse catégorielle, basée sur des codes définis à partir de la lecture de Zimmermann (2002) et répertoriés à l’aide de l’outil Miro (cf. annexes). Les verbatims ont été transférés dans un fichier Excel (cf. annexes) pour comptabiliser les occurrences des stratégies identifiées, qui ont ensuite été transformées en pourcentages afin de permettre la comparaison et l’interprétation des résultats.
3.4 Présentation des résultats
Figure 3 :
Répartition des stratégies d’apprentissage autorégulé par phase (anticipation, performance, auto-réflexion) pour les sujets 1 et 2

Ce graphique présente la répartition des stratégies d’apprentissage autorégulé utilisées par S1 et S2, regroupées selon les trois phases clés du cycle de l’autorégulation de Zimmermann (2002). Les pourcentages reflètent l’importance relative des stratégies mobilisées dans chaque phase pour chaque sujet.
Pour les deux sujets, la phase de performance regroupe la majorité des stratégies mobilisées, ce qui pourrait refléter une concentration accrue d’efforts pendant l’exécution de la tâche. Toutefois, des différences se dessinent : le sujet 1 semble mobiliser davantage de stratégies d’anticipation, suggérant une préparation potentiellement plus approfondie en amont de la tâche à réaliser, tandis que le sujet 2 montre une utilisation plus marquée des stratégies d’auto-réflexion, laissant entrevoir une capacité d’évaluation et d’ajustement post-tâche peut-être plus développée.
Pour approfondir les observations du graphique précédent, la figure 4 offre une vue détaillée des variations individuelles des stratégies mobilisées. Chaque acronyme (cf. annexes) représente une stratégie spécifique utilisée dans une phase donnée, permettant une analyse plus précise des différences et similitudes dans les approches d’apprentissage autorégulé.
Figure 4 :
Comparaison des stratégies d’autorégulation (SRL) entre le sujet 1 et le sujet 2, en pourcentage

Dans la phase d’anticipation, la quasi-totalité des stratégies mobilisées par S1 et S2 se regroupe sous la sous-stratégie « analyse de la tâche – planification stratégique » (AAP), mettant en évidence une forte orientation vers l’élaboration d’une approche structurée pour la réalisation de la tâche.
Dans la phase de performance, la majorité des stratégies d’autorégulation mobilisées par les deux sujets se concentre sur la sous-stratégie « self-control – stratégies d’apprentissage » (PPS). Cependant, des divergences apparaissent : S1 mobilise également des stratégies d’auto-instruction (PPA) et de formation d’images mentales (PPF), tandis que le S2 privilégie fortement la stratégie d’auto-surveillance (PAAS), sans recourir aux stratégies mentionnées par le S1.
Enfin, dans la phase d’auto-réflexion, S2 répartit de manière équilibrée toutes les stratégies proposées par Zimmerman (2002), alors que S1 se concentre principalement sur des stratégies d’auto-jugement selon des standards (AAAS) et d’attribution causale (AAAC). Ces choix reflètent des différences marquées dans les approches réflexives entre les deux sujets.
3.5 Discussion sur l’outil de mesure
L’outil SRL Microanalysis présente des avantages et des limites dans l’évaluation des processus d’apprentissage autorégulé. Sa flexibilité permet une utilisation quantitative et qualitative, et il est adaptable à différents types de tâches au-delà de la lecture et du QCM. De plus, il offre un retour rapide sur les difficultés rencontrées, permettant le développement de stratégies personnalisées et ciblées sur une ou plusieurs phases spécifiques.
Cependant, l’outil implique une demande forte envers le·la répondant·e, avec des tâches coûteuses en termes de temps et d’énergie. La rupture de la dynamique de la tâche pour poser des questions fait que la situation observée n’est pas pleinement représentative d’un contexte réel. De plus, la posture du·de la chercheur·euse peut être difficile, entraînant un malaise lors de l’exécution de la tâche. Sa présence peut également affecter la qualité des données recueillies en introduisant un biais de désirabilité sociale (effet Hawthorne), où le·la répondant·e modifie ses comportements pour correspondre à ce qui est perçu comme attendu. Par ailleurs, le·la répondant·e peut ressentir une asymétrie dans la relation, se percevant comme un·e « cobaye », ce qui accentue cette dynamique et influence les réponses fournies.
Enfin, l’analyse des données nécessite un accord interjuge pour garantir la cohérence des catégorisations. Malgré ces limites, l’outil demeure un instrument puissant et adaptable pour explorer les stratégies d’autorégulation.
4. Comparaison des résultats SRLIS/SRL Microanalysis
Figure 5 :
Comparaison des pratiques déclarées (SRLIS) et effectives (SRL Microanalysis) pour les sujets 1 et 2
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Les graphiques en toile d’araignée ci-dessus comparent les pratiques déclarées (en vert, issues du SRLIS) et les pratiques effectives (en violet, issues du SRL) pour chacun des 2 sujets. Ce croisement a été possible grâce au fondement théorique commun des deux outils (Zimmermann, 2002), qui se révèlent complémentaires.
Autant pour S1 que pour S2, une disparité notable est observée pour la stratégie « fixation d’objectifs et planification ». Bien qu’elle soit la stratégie la plus importante dans les pratiques effectives par rapport aux autres stratégies, elle est très peu mentionnée dans les pratiques déclarées, révélant un écart entre intentions et comportements réels.
En revanche, pour S1, une harmonie est visible dans la stratégie « révision des informations », qui est mobilisée de manière similaire dans les pratiques déclarées et effectives, reflétant une cohérence entre perception et application.
Pour les deux sujets, un écart important est observé concernant la stratégie « structuration de l’environnement ». Bien que cette stratégie soit mentionnée par chacune de participantes dans les pratiques déclarées, elle est absente dans leurs pratiques effectives. Cet écart s’explique par le contexte même de l’administration de l’outil SRL, qui ne permet pas aux participantes d’organiser leur environnement comme elles le feraient dans une situation réelle (par ex. elles ne vont pas mettre de la musique ou ajuster leur espace de travail habituel en présence du·de la chercheur·euse), ce qui influence leurs comportements effectifs.
En résumé, la combinaison des résultats obtenus grâce aux deux outils met en lumière des écarts, mais aussi des cohérences, entre les stratégies d’apprentissage déclarées par les participant·e·s et celles qu’elles appliquent réellement. Ces observations invitent à s’interroger sur l’impact de ces alignements ou divergences : un alignement entre pratiques déclarées et effectives pourrait-il constituer un indicateur de réussite scolaire ? Cette question constitue une piste de recherche intéressante à approfondir.
5. Conclusion
Ce travail a souligné la complémentarité des outils SRLIS et SRL Microanalysis, qui permettent une analyse croisée des stratégies d’apprentissage déclarées et effectives. Leur synergie offre une compréhension approfondie des processus d’apprentissage autorégulé, en mettant en évidence des écarts et des cohérences entre intentions et comportements réels.
L’interprétation des résultats, toutefois, requiert une vigilance particulière quant à la posture du·de la chercheur·euse. La présence de celui·celle-ci, ainsi que ses expériences personnelles, peuvent influencer non seulement les données recueillies, mais également leur analyse.
Enfin, la flexibilité et la complémentarité de ces outils ouvrent des perspectives de recherche intéressantes, notamment pour explorer le lien entre l’alignement des stratégies déclarées et effectives et son impact potentiel sur la réussite scolaire.
6. Bibliographie
- Bandalos, D. L. (2018). Measurement theory and applications for the social sciences. The Guilford Press.
- Blanchet, A., & Gotman, A. (1992, 2001). L’enquête et ses méthodes: l’entretien. Nathan Université.
- Chapelle, G., & Bourgeois, É. (2011). Introduction. La recherche sur « apprendre » peut-elle aider à « faire apprendre » ? Dans G. Chapelle & É. Bourgeois (dir.), Apprendre et faire apprendre (pp.11-21). Presses Universitaires de France. https://doi.org/10.3917/puf.brgeo.2011.01.0011
- Cosnefroy, L. (2014). Chapitre 13. L’autorégulation des apprentissages. Dans L. Cosnefroy (dir.), Apprendre dans l’entreprise (pp.167-175). Presses Universitaires de France. https://10.3917/puf.boug.2014.01.0167
- Galois-Faurie, I., et Lacroux, A. (2014). « SERIOUS GAMES » ET RECRUTEMENT : Quels enjeux de recherche en gestion des ressources humaines ? Université de Toulon.
- Zimmermann, B. (2002). Efficacité perçue et autorégulation des apprentissages durant les études : une vision cyclique. Dans P. Carré et A. Moisan (dir.), La formation autodirigée. Aspects psychologiques et pédagogiques (pp.69-88). L’Harmttan.
- Zimmermann, B., & Martinez-Pons, M. (1986). Development of a Structures Interview for Assessing Student Use of Self-Regulated Learning Strategies. American Educational Research Journal, 23(4), 614-628. https://10.3102/00028312023004614