Introduction
Les apprenant·e·s qui font preuve d’apprentissage autorégulé, sont en règle générale des personnes qui organisent, planifient et s’autoévaluent lors de l’acquisition de nouvelles connaissances. Ces apprenant·e·s sont également autonomes, efficaces et motivé·e·s intrinsèquement. De plus, ils et elles ont la capacité de sélectionner et de structurer leurs environnements, afin d’optimiser leurs apprentissages (Zimmerman & Martinez-Pons, 1988). Un autre point important est que les apprenant·e·s autorégulé·e·s ne sont pas passif·ve·s dans leurs apprentissages, mais s’engagent activement dans la résolution de problème et l’acquisition d’information (Zimmerman & Martinez-Pons, 1988). Plusieurs chercheur·euse·s, comme par exemple, Zimmerman et Martinez-Pons (1986), ont remarqué que plus les élèves étaient performants à l’école, plus ils utilisaient des stratégies d’apprentissage autorégulé.
Lorsque on parle d’apprentissage autorégulé il est indispensable de parler de métacognition également. Hacker (1998) a écrit que la métacognition était la connaissance sur ses propres connaissances et l’aptitude à contrôler ses propres connaissances. De plus, Schraw et al. (2000) parlent également de la métacognition comme étant la pensée sur la pensée et de l’utilisation de stratégies afin de réguler certains processus. Le lien entre la métacognition et les stratégies d’apprentissage devient donc évident.
Ce travail a pour but d’analyser et de comparer les résultats de deux sujets sur leurs stratégies d’apprentissage autorégulé, ainsi que leurs processus d’autorégulation lors de la réalisation d’une tâche. Une discussion sur les deux outils utilisés ainsi que sur les résultats sera présentée dans de ce travail et une conclusion offrant des pistes de réflexion sera également proposée.
1. SRLIS
Le premier outil utilisé afin d’évaluer les stratégies d’apprentissage des deux sujets interrogés dans ce travail a été le Self-Regulated Learning Interview Schedule (SRLIS). Le chapitre ci-dessous offre un bref aperçu de cet outil.
1.1 Description de l’outil
Le Self-Regulated Learning Interview Schedule (SRLIS) a été développé afin d’évaluer 14 stratégies d’apprentissages autorégulés (Zimmerman & Martinez-Pons, 1990). L’interview est composé de six scénarios auxquels les sujets doivent répondre de façon spontanée quant à leurs stratégies d’apprentissage qu’ils utilisent dans ce genre de situation ou qu’ils utiliseraient s’ils ou elles se trouvaient dans cette situation. Les six scénarios sont : une situation en classe, une situation de rédaction, une situation de devoirs, une situation de préparation à un examen, une situation de manque de motivation, et une situation d’apprentissage à la maison (Zimmerman & Martinez-Pons, 1988).
1.2 Description de l’échantillon
Deux personnes ont passé le SRLIS ainsi que le Thinking-aloud pour ce travail. Les deux sujets sont féminins et sont en étude universitaire. Le premier sujet était âgé de 21 ans lors de la passation du SRLIS et du Thinking-aloud. Cette personne est en étude de biologie et de sport à l’université de Neuchâtel et est actuellement en troisième année de Bachelor.
La deuxième personne qui a passé l’entretien est également âgée de 21 ans et poursuit des études de psychologie et de pédagogie dans la faculté des lettres et des sciences humaines de l’université de Fribourg. Cette étudiante est actuellement en deuxième année de Bachelor.
1.3 Description de la méthodologie
Les deux entretiens ont été réalisés au début du mois d’octobre 2024 et se sont déroulés de manière assez similaire. Pour passer l’entretien avec le premier sujet, nous nous sommes retrouvées dans un petit café. J’ai tout d’abord brièvement expliqué ce dont il s’agissait et sur quoi portait l’interview et nous avons ensuite commencé l’entretien. L’entretien a duré une vingtaine de minutes. J’ai demandé à ce sujet de m’indiquer sur une échelle allant de jamais à toujours de me dire combien de fois elle utilisait la stratégie qu’elle avait mentionnée.
Afin de passer le SRLIS avec le deuxième sujet, nous nous sommes retrouvées chez le sujet afin d’être au calme pour passer l’entretien. Tout comme cela avait été le cas avec le premier sujet, j’ai brièvement expliqué à cette étudiante sur quoi portait l’entretien. La deuxième personne avait un peu plus de mal à répondre aux questions de façon élaborée. De ce fait, l’entretien a duré un peu moins longtemps que ce qu’avait duré le premier. Tout comme cela était le cas pour le premier interview, j’ai également demandé à la personne de m’indiquer la fréquence à laquelle elle utilisait chaque stratégie d’apprentissage mentionnée.
Une fois les deux entretiens passés, il a donc été nécessaire d’analyser les résultats. J’ai utilisé la grille de Zimmerman avec les 14 stratégies afin de procéder à mon analyse. J’ai tout d’abord regardé le nombre et le type de stratégies d’apprentissages mobilisées par chaque sujet. Ensuite, j’ai regardé si le type de stratégies d’apprentissages dépendait du contexte ou de la situation d’apprentissage. Pour finir j’ai mis en commun ces résultats afin de voir s’il y a un type de stratégie d’apprentissage qui semble être favorisé ou non par ces étudiantes.
1.4 Présentation des résultats
Le premier sujet a évoqué beaucoup de stratégies utilisées en classe mais également après les cours, afin de se souvenir et d’apprendre ce qui a été dit en cours. La figure 1 montre les stratégies utilisées par cette étudiante. Les stratégies directement utilisées en classe étaient des stratégies de tenue de registres et de suivi, comme la prise de notes pendant le cours et la participation active aux discussions. L’étudiante a mentionné que cela l’aidait à rester attentive et à mieux se souvenir du contenu des cours. Pour ce qu’il en est des stratégies utilisées pour se souvenir de la matière après les cours et pour les examens, celles-ci étaient toutes des stratégies de répétition et de mémorisation. La méthode utilisée la plus fréquemment était l’élaboration de flashcards sur le contenu du cours ainsi que de faire des liens entre les différents éléments du cours. L’étudiante a également mentionné d’autres stratégies utilisées un peu moins fréquemment, comme le fait de faire un résumé du résumé.
Figure 1: Fréquence des stratégies sur l’ensemble des scénarios pour le sujet 1 |

Lors de la rédaction d’un travail, l’étudiante en question a évoqué de nombreuses stratégies de différents types. Il y avait des stratégies de fixation d’objectifs et de planification, des stratégies d’organisation et de transformation, des stratégies de tenue de registre et de suivi, mais également des stratégies d’auto-évaluation, comme le fait d’utiliser ChatGPT afin de s’assurer que son travail ne comporte pas de fautes. C’est dans cette situation de rédaction que l’étudiante a dit faire usage du plus grand nombre de stratégies différentes. Pour ce qu’il en est des situations d’apprentissage en dehors des cours et de la motivation, cette étudiante a prétendu ne pas vraiment avoir de problème de motivation étant donné que le fait d’obtenir une note était déjà une motivation suffisante. Elle a également fait part de certaines stratégies de fixation d’objectifs et de planification afin de bien répartir le travail sur l’ensemble du semestre. Concernant les méthodes afin d’améliorer son travail à la maison, l’étudiante n’a mentionné que des stratégies de structuration de l’environnement. Certaines des stratégies utilisées le plus souvent par cette étudiante étaient le fait d’éloigner son portable et de ranger son bureau pour de ne pas avoir de distractions autour d’elle, ou encore d’aller à la bibliothèque pour voir d’autres gens travailler et se motiver ainsi.
Le deuxième sujet interviewé a également mentionné quelques stratégies utilisées en classe et après les cours afin de se souvenir et d’apprendre ce qui a été dit en cours, cependant celles-ci étaient moins nombreuses que celles du premier sujet. La figure 2 à la page 7 montre toutes les stratégies utilisées par cette étudiante. Les stratégies faisaient également partie du type de stratégies de tenue de registre et de suivi ainsi que des stratégies de répétition et de mémorisation. Concrètement, les stratégies utilisées étaient la prise de notes, marquer des passages importants sur les diapositives du cours, ainsi que de relire régulièrement ses notes. L’étudiante a dit utiliser ces mêmes méthodes pour se préparer aux examens, mais également d’autres stratégies, comme le fait de regarder à nouveau les exemples vus en classe, de lire plusieurs fois les cours et d’apprendre le contenu par cœur. Tout comme pour le premier sujet, cette étudiante a fait part de plusieurs types de stratégies différentes lors de la rédaction d’un travail. D’une part, certaines stratégies étaient utilisées avant le début de la rédaction, comme le fait de faire un plan. D’autres part, l’étudiante a mentionné des stratégies de recherche d’informations, qu’elle n’applique pas seulement avant le début de la rédaction, mais également durant la rédaction.
Figure 2: Fréquence des stratégies sur l’ensemble des scénarios pour le sujet 2 |

Pour ce qu’il en est des situations d’apprentissage en dehors des cours et de la motivation, cette étudiante a eu plus de difficultés à décrire les stratégies utilisées étant donné qu’elle a dit être rapidement distraite et ne pas vraiment faire quelque chose pour éviter cela. L’étudiante a dit que dès qu’elle en avait assez elle faisait une pause et recommençait plus tard car sinon elle effectuait mal son travail. Concernant les méthodes afin d’améliorer son travail à la maison, l’étudiante a dit ne pas avoir de méthode particulière mais que cela lui arrivait de relire ses notes avant le prochain cours afin de ne pas perdre le fil, ce qui démontre qu’elle utilise tout de même, à un certain degré, des stratégies de répétition et de mémorisation.
En comparant donc les deux étudiantes, il est clair que certaines stratégies de tenue de registre, comme la prise de notes, semblent être largement utilisées par les deux étudiantes. Également les stratégies de répétition et de mémorisation, comme la relecture des notes prises en cours, semblent être largement appliquées par les deux étudiantes, tout comme des stratégies de planification du travail. Toutefois, d’autres stratégies étaient plus spécifiques à une étudiante ou à l’autre, certainement pour des raisons de divergences de type de savoirs à acquérir selon leur différent cursus universitaire.
1.5 Discussion sur l’outil de mesure
Le Self-Regulated Learning Interview Schedule (SRLIS) est un outil qui a déjà été utilisé un grand nombre de fois et qui a fait ses preuves. Zimmerman et Pons (1986) montrent que le SRLIS démontre une bonne validité, ainsi qu’une bonne fidélité. Ils ont trouvé que le SRLIS permettait de fournir des résultats fidèles concernant les auto-régulations des étudiants et de leurs stratégies d’apprentissage grâce à un accord inter-juge élevé.
Cependant, cet outil a été conçu initialement pour des étudiant·e·s du primaire ou du secondaire. Certes, les scénarios ont été adaptés afin que l’outil puisse également être utilisé pour des sujets en études tertiaires, mais les scénarios restent proches de ceux vécu à l’école primaire et secondaire. Par exemple, beaucoup d’étudiant·e·s n’ont plus de devoirs, dans le sens strict du terme, et ils et elles savent que la majorité, si pas la totalité de ce qui est vu en cours, sera également testé à l’examen, donc les stratégies ne changent pas vraiment. De plus, les scénarios proposés étant assez généraux, il était parfois difficile pour les sujets de répondre aux questions sans s’imaginer une situation concrète. De plus, les deux sujets ont mentionné que leurs stratégies variaient parfois en fonction de la tâche demandée ou de la matière enseignée et ne pouvaient donc pas donner une réponse type valable pour toutes les situations.
De plus, en ce qui concerne l’analyse du SRLIS, celle-ci peux légèrement être biaisée car il manque quelque peu d’objectivité afin de savoir exactement dans quelle catégorie doit être placé quelque chose qu’a dit l’étudiant·e, étant donné que ce placement dans les catégories est fait par une seule personne. Par exemple, la stratégie de relire ses notes afin de mémoriser le cours peut être placée dans deux catégories, soit, répétition et mémorisation, mais également dans examen des dossiers. Il y a donc une part de subjectivité de la personne qui classe les verbatims dans les différentes catégories.
De plus, étant donné que nous n’avons pas accès aux résultats scolaires des sujets, il est impossible de savoir si le fait d’utiliser plus de stratégies d’apprentissage a en effet un impact positif sur les résultats académiques, comme le stipulent Zimmerman et Martinez-Pons (1986).
2. Le Thinking-aloud
Le deuxième outil utilisé dans ce travail afin d’identifier les processus d’autorégulation des étudiant·e·s durant l’exécution d’une tâche a été le Thinking-aloud. Ce concept n’est pas un outil en soit, mais plutôt une méthode. Le chapitre ci-dessous offre un bref aperçu de cette méthode.
2.1 Description de l’outil
Le Thinking-aloud est une méthode qui permet d’identifier les processus cognitifs et métacognitifs des étudiant·e·s pendant une pensée, pendant la réalisation d’une tâche, ou pendant l’apprentissage (Hu & Gao, 2017). Étant donné que les sujets pensent à voix haute, il est possible de savoir exactement ce qu’ils font et ce à quoi ils pensent pendant la tâche et pas seulement ce qu’ils disent faire. Le protocole du Thinking-aloud permet donc d’observer et d’expliciter des processus qui en règle générale restent cachés.
Une fois l’enregistrement obtenu, il est nécessaire de l’analyser. Ceci est fait sur la base du processus cyclique de Zimmerman (2002) qui comporte une phase d’anticipation, une phase d’action, ainsi qu’une phase d’autoréflexion. Ces phases sont divisées en plusieurs sous-catégories. La phase d’anticipation regroupe l’analyse de la tâche ainsi que les croyances auto-motivationnelles, qui à leur tour sont divisées en plusieurs sous-catégories. La phase d’action est divisée en auto-contrôle et auto-observation, qui sont également encore une fois divisées en sous-catégories. Pour finir, la phase d’autoréflexion est divisée en auto-jugements et en auto-réactions, qui sont toutes deux également divisées en sous-catégories. Le tableau ci-dessous illustre le modèle cyclique avec toutes ses phases et sous-catégories. Toutefois, il est important de noter que ces phases ne se déroulent pas les unes après les autres, mais qu’il peut y avoir des allers-retours entre les différentes phases et qu’une action va influencer la prochaine.
Tableau 1 : catégories du modèle des phases cycliques, adapté de Zimmerman (2000) |
Phase d’anticipation | Phase d’action | Phase d’autoréflexion |
Analyse de la tâche | Auto-contrôle | Auto-jugements |
Fixation de buts | Auto-instruction | Auto-évaluation |
Planification stratégique | Formation d’images mentales | Attributions causales |
Croyances auto-motivationnelles | Structuration de l’environnement | Auto-réactions |
Auto-efficacité | Stratégies de tâche | Autosatisfaction |
Attentes de résultats | Auto-observation | Inférences adaptives ou défensives |
Valeur/intérêt intrinsèque | Auto-enregistrement | |
Orientation vers le but | Auto-expérimentation |
2.2 Description de la méthodologie
Pour les deux sujets, le Thinking-aloud a été réalisé à la suite du SRLIS. La période de passation ainsi que le lieu de rencontre sont, de ce fait, les mêmes que pour le SRLIS.
Tout d’abord il a été nécessaire de brièvement expliquer le but de la méthode du Thinking-aloud. J’ai ensuite donné à mes sujets la feuille comprenant la tâche à réaliser (voir dans les annexes, p.21), qui ressemble à un jeu d’échec simplifié. Après avoir lu les règles du jeu, les sujets ont donc commencé l’activité. Je leur avais demandé de veiller à bien dire à voix haute tout ce qui leur passe par la tête lors de la réalisation de cette activité, étant donné que cela est crucial pour l’analyse du processus d’autorégulation.
Après avoir retranscrit les enregistrements, il a été nécessaire d’analyser le contenu. Ceci a été fait sur la base du modèle des phases cycliques de l’autorégulation de Zimmerman (2002).
2.3 Présentation des résultats
Comme cela a été mentionné dans le chapitre ci-dessus, le jeu Thinking-aloud a été analysé sur la base du modèle des phases cycliques de l’autorégulation de Zimmerman (2002). Un tableau des fréquences représentant les différentes phases, ainsi que les sous-catégories est présenté ci-dessous, afin de faciliter la comparaison entre les deux sujets. Ce en quoi comporte en détail ces différentes phases ainsi que leurs sous-catégories a été expliqué en détail au chapitre 2.1.
Grâce au tableau ci-dessous, il est possible de voir que les deux sujets ont plus ou moins utilisé le même nombre de stratégies et il semblerait que la répartition dans les différentes phases soit également plus ou moins la même. La phase d’action est celle qui a été mobilisée le plus souvent par les deux sujets, alors que la phase d’autoréflexion n’a pratiquement pas été utilisée par les deux étudiantes.
Tableau 2 : Fréquences pour chaque phase pour le jeu du thinking-aloud |
Phases | Sujet 1 | Sujet 2 |
Phase d’anticipation | ||
Analyse de la tâche | 2 | 3 |
Croyances auto-motivationnelles | 1 | 2 |
Phase d’action | ||
Auto-contrôle | 15 | 12 |
Auto-observation | 8 | 8 |
Phase d’autoréflexion | ||
Auto-jugements | 1 | – |
Auto-réactions | 1 | 1 |
Total | 28 | 26 |
Il est intéressant de voir que, lorsqu’on compare le chemin qu’on prit les deux étudiantes pour résoudre la tâche, celui-ci est différent (voir dans les annexes, p.21), alors qu’elles avaient les deux les mêmes règles et le même but à accomplir. Nous pouvons nous demander si ces différences sont le résultat d’une compréhension différentes des règles de jeu ou si la différence reflète en effet des processus de pensées différents.
Il est également intéressant de constater que lorsqu’on compare les deux sujets, on voit que le deuxième sujet a davantage planifié et anticipé ses actions que le premier sujet et l’étudiante a ensuite eu besoin de moins d’action pour réussir le jeu.
Il est également pertinent de mettre ces résultats en lien avec les phases et les domaines de l’apprentissage autorégulé de Pintrich (2004). Pintrich (2004) dégage quatre domaines de l’apprentissage autorégulé : l’anticipation, planification et activation, le monitorage, le contrôle et la réaction et réflexion. Le lien avec les phases cycliques de Zimmerman (2002) devient donc apparent. Les phases de monitorage et de contrôle regroupent la phase d’action de Zimmerman. A présent, si nous reprenons nos deux sujets, nous voyons que les deux étudiantes se trouvent surtout da la phase de monitorage et de contrôle, qui selon Pintrich (2004) sont caractérisées par une conscience métacognitive qui permet de monitorer, de sélectionner et d’adapter les stratégies cognitives et motivationnelles. Toutefois, le côté motivationnel ressort moins chez les deux sujets analysés, étant donné que la tâche qui leur était demandée ne leur apportait pas grand-chose et qu’elles n’avaient donc pas vraiment de motivation intrinsèque lors de la réalisation de la tâche.
2.4 Discussion sur l’outil de mesure
Le Thinking-aloud permet en effet de se rendre compte des processus d’autorégulation des étudiant·e·s étant donné que les sujets expriment à voix haute leurs pensées, ce qui rend l’analyse de celles-ci possible. Cependant, Hu et Gao (2017) font remarquer qu’il n’est pas toujours facile pour les étudiant·e·s de penser à voix haute, étant donné que ce n’est pas quelque chose qui est souvent demandé. Ces chercheurs disent qu’il serait préférable d’entraîner les étudiant·e·s à penser à voix haute avant de faire passer le Thinking-aloud, afin de familiariser les participant·e·s avec cette méthode, ce qui augmenterait la validité du Thinking-aloud.
De plus, Hu et Gao (2017) mettent en garde face à la validité du Thinking-aloud pour des tâches habituelles. Ces chercheurs stipulent que lorsqu’une tâche est effectuée fréquemment, les étudiant·e·s ne se rendent plus compte des processus métacognitifs qu’ils ou elles mettent en place et ne les verbalisent donc pas. Cependant, le jeu simplifié des échecs qui a été utilisé pour cette analyse n’est pas quelque chose que mes sujets ont l’habitude de faire, donc nous pouvons partir du principe que ce n’est pas une tâche habituelle pour elles et qu’elles n’auront donc pas omis des processus dû au fait que la tâche serait trop automatisée pour elles.
Pour ce qui est des croyances auto-motivationnelles, il est également difficile de les percevoir étant donné que les sujets doivent dire ce qu’ils font ou pensent pendant la tâche et que les motivations sont souvent quelque chose qui n’entre pas en compte lors de la pensée à voix haute et qui n’est pas spécialement demandé de partager dans le Thinking-aloud.
3. Comparaison entre les deux outils
La comparaison entre les deux outils n’est pas facile étant donné que les méthodes et les buts utilisés sont différents. Pour le SRLIS, le but est d’identifier les stratégies d’apprentissage à l’aide de scénarios, alors que pour le Thinking-aloud, le but est de se rendre compte du processus de pensée de l’étudiant·e. Toutefois, les deux outils permettent d’obtenir des réponses spontanées, mais dans le SRLIS les réponses reflètent ce que les étudiant·e·s disent faire, alors que dans le Thinking-aloud, c’est bel et bien ce que l’étudiant·e fait et pense à ce moment-là. De plus, le Thinking-aloud est une méthode qui peut être utilisée avec un public de tout âge, alors qu’il est plus difficile de passer le SRLIS avec des élèves plus jeunes, étant donné qu’il leur manque la connaissance sur leurs stratégies d’apprentissage et leurs propres connaissances.
En comparant les résultats du SRLIS avec ceux du Thinking-aloud, nous pouvons voir que la phase d’anticipation se retrouve dans la stratégie « fixation d’objectifs et planification » du SRLIS et que la phase d’autoréflexion du Thinking-aloud se retrouve dans la stratégie « autoévaluation » du SRLIS. Il est intéressant de noter que ces deux phases sont peu utilisées, tant dans le Thinking-aloud que dans le SRLIS et ce, pour les deux sujets. La stratégie qui ressort le plus dans le SRLIS est « répétition et mémorisation » pour les deux sujets, et ceci n’est pas comparable avec le Thinking-aloud, étant donné que ce n’est pas pertinent pour cette méthode-là.
4. Conclusion
Ce travail avait pour but d’analyser et de comparer les résultats de deux sujets sur leurs stratégies d’apprentissage autorégulé, ainsi que leurs processus d’autorégulation lors de la réalisation d’une tâche. La métacognition de ces deux étudiantes a donc été analysée. Rappelons-le, la métacognition a été définie par Schraw et al. (2000) comme étant la pensée sur la pensée et l’utilisation de stratégies pour réguler certains processus. Le lien entre la métacognition et les stratégies d’apprentissage a donc été établi.
Comme nous l’avons vu au chapitre précédent, la comparaison entre le SRLIS et le Thinking-aloud n’est pas évidente. Il serait plus pertinent de voir ces deux outils d’une façon complémentaire. Par exemple, le Thinking-aloud pourrait nous donner des informations plus approfondies sur les stratégies mentionnées dans le SRLIS et illustrer comment ces stratégies sont appliquées dans une situation concrète. Un petit entretien après l’activité du Thinking-aloud permettrait éventuellement d’affiner l’interprétation des résultats. De plus, nous pouvons nous poser la question si le fait d’entraîner la pensée à voix haute permettrait de mieux se rendre compte des processus de pensées de l’étudiant·e et de l’utilisation des stratégies d’apprentissage, et de ce fait, d’être plus précis lors de la pensée à voix haute et dans les réponses du SRLIS sur les stratégies utilisées. En ce qui concerne le SRLIS, nous pouvons nous demander si l’analyse serait plus pertinente en s’appuyant sur plus de contextes d’apprentissage et il serait également intéressant d’avoir accès aux résultats académiques des étudiant·e·s afin de pouvoir comparer leurs résultats avec les stratégies qu’ils ou elles utilisent et voir si le nombre ou le type de stratégies d’apprentissage influence en effet les résultats académiques.
5. Bibliographie
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- Hu, J., & Gao, X. (Andy). (2017). Using think-aloud protocol in self-regulated reading research. Educational Research Review, 22, 181–193. https://doi.org/10.1016/j.edurev.2017.09.004
- Pintrich, P. R. (2004). A conceptual framework for assessing motivation and self-regulated learning in college students. Educational Psychology Review, 16, 385–407. https://doi.org/10.1007/s10648-004-0006-x
- Schraw, G., Wise, S. L., & Roos, L. L. (2000). Metacognition and computer-based testing. Dans Schraw, G. & Impara, J.C., (dir.), Issues in the measurement of metacognition, 223-260. Buros Institute of Mental Measurements. https://digitalcommons.unl.edu/burosmetacognition/6/
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- Zimmerman, B. J., & Martinez-Pons, M. (1988). Construct Validation of a Strategy Model of Student Self-Regulated Learning. Journal of Educational Psychology, 80(3), 284–290. https://doi.org/10.1037/0022-0663.80.3.284
- Zimmerman, B. J., & Martinez-Pons, M. (1990). Student differences in self-regulated learning: Relating grade, sex, and giftedness to self-efficacy and strategy use. Journal of Educational Psychology, 82(1), 51–59. https://doi.org/10.1037/0022-0663.82.1.51
- Zimmerman, B. J. (2000). Attaining self-regulation: A social cognitive perspective. Dans M. Boekaerts, P. R. Pintrich, & M. Zeidner (dir.), Handbook of self-regulation, 13–39. Academic Press. https://doi.org/10.1016/B978-012109890-2/50031-7
- Zimmerman, B. J. (2002). Efficacité perçue et autorégulation des apprentissages durant les études une vision cyclique. Dans P. Carré, A. Moisan (dir.), La formation autodirigée. Aspects psychologiques et pédagogiques, 69-88. Paris : L’Harmattan