Deux outils pour explorer l’utilisation des stratégies d’apprentissage chez les étudiant-e-s universitaires.
Auteur : Elisa Cretton
Introduction
L’étude présenté ci-dessous a été menée dans le cadre d’un cours de Master en Sciences de l’éducation à l’Université de Fribourg. Le but est de comprendre quelles stratégies d’apprentissage autorégulé sont utilisées par les étudiant-e-s de l’Université et quelles sont leurs orientations motivationnelles pour étudier. Boulet et Lorraine (2011) définissent les stratégies d’apprentissage comme « des activités réalisées par l’apprenant pour réviser, élaborer ou organiser les contenus présentés » (p.4). Lorsqu’on parle d’autorégulation dans les stratégies d’apprentissage, il faut le comprendre comme les pensées, sentiments et actions auto-générés, qui sont systématiquement orientés par les élèves vers l’atteinte de leurs propres objectifs (Boakerts, 1999). Selon Boulet et Lorraine (2011), ces stratégies influenceraient le processus d’encodage des informations chez l’élève ; étudier ces stratégies chez les élèves permettrait de comprendre le phénomène d’abandon et d’échec scolaire et de pouvoir y remédier. En effet, il existerait un lien entre les stratégies d’apprentissage utilisées par les étudiant-e-s et la qualité de leur performance : les élèves qui réussissent utiliseraient efficacement certaines stratégies d’apprentissage, alors que les étudiant-e-s plus faibles en feraient une utilisation inappropriée et inefficace ou encore n’en utiliseraient aucune (Boulet & Lorraine, 2011). Toutefois, ces auteurs avouent que les recherches sur les stratégies d’apprentissage au niveau universitaire sont encore rares : en ce sens, mener ce type de recherche dans le cadre de l’Université est alors pertinent et même novateur pour comprendre le phénomène d’abandon et de réussite/échec scolaire.
- Echantillon
Pour les deux études présentées dans ce travail, j’ai choisi un échantillon de convenance pour des raisons de disponibilité et de facilité d’accès. L’échantillon est composé de deux participantes choisies dans mon entourage amical, motivées à participer à cette étude et qui soient comparables par leur âge mais différentes par leur faculté. Il y a alors une étudiante de 24 ans en Master d’histoire (codée P1) et une étudiante de 23 ans en Bachelor de médecine (codée P2). Les deux sont à l’Université de Fribourg et de langue maternelle francophone.
- SRLIS
- Description de l’outil
L’entretien structuré mené dans cette étude est basé sur l’instrument développé par Zimmerman et Pons (1986). Ces auteurs ont développé une interview, le Self-Regulated Learning Interview Schedule, afin d’évaluer l’utilisation par les étudiant-e-s des stratégies d’apprentissage autorégulé. Leur interview comporte six questions qui correspondent à six scénarios d’apprentissage dans des contextes différents : en classe, lors de l’étude à domicile, lors de la réalisation de devoirs écrits, lors de la réalisation de devoirs de mathématiques, lors de la préparation et de la passation des tests, et lorsqu’ils-elles sont peu motivé-e-s à terminer leurs devoirs. Les six scénarios ont été adaptés et traduits en français car le cours concerné est dispensé en français, avec une quasi-totalité d’étudiant-e-s francophones. Pour chaque scénario, les étudiant-e-s devaient expliquer leur stratégie d’apprentissage, et pour chaque stratégie annoncée, ces dernier-ère-s devaient indiquer à quelle fréquence la stratégie concernée était appliquée (de 1 « rarement » à 4 « la plupart du temps »). Pour analyser les réponses des participant-e-s, les auteurs ont développé un codebook répertoriant 14 catégories de stratégies d’apprentissage autorégulé et une catégorie nommée « autre », qui regroupe les réponses de stratégies non-autorégulées.
- Méthodologie
Pour mener cette étude, j’ai administré un entretien structuré à mes deux participantes, à quelques jours d’écart. L’entretien structuré comprenait six scénarios énoncés dans le même ordre pour les deux étudiantes, avec une possibilité de relance si les réponses n’étaient pas claires : « et si tu as des difficultés ? Y a-t-il une ou des méthode (s) particulière(s) que tu utilises ? ». Je me suis basée sur la traduction française adaptée des scénarios et des stratégies d’apprentissage basés sur l’étude de Zimmerman et Pons (1986) : le document a été fourni par le professeur Jean-Louis Berger sur le Moodle du cours. Le scénario sur la rédaction des devoirs de mathématiques a été adaptée dans un contexte plus large, à savoir la rédaction des devoirs universitaires. Les participantes ont été invitée à me rencontrer, une après l’autre, pour mener un entretien structuré d’environ 10 minutes. Avant de commencer l’entretien, les participantes m’ont renseignée sur leur âge, genre, faculté et niveau d’étude (Bachelor ou Master). Elles ont ensuite été informées du cadre de l’étude, de l’objectif de recherche, du déroulement de l’entretien, de l’anonymat de leurs réponses et du traitement confidentiel de leurs données. Avant de commencer l’enregistrement, je leur ai demandé si elles étaient d’accord de continuer et si elles avaient des questions. Les entretiens ont alors été enregistrés à l’aide de mon enregistreur vocal sur mon téléphone portable. Les scénarios ont été expliqués dans le même ordre pour les deux participantes. Pour chaque stratégie mentionnée, je leur demandais d’évaluer de 1 (presque jamais) à 4 (presque toujours) la fréquence d’utilisation de leur stratégie. Lorsque l’entretien s’est terminé, je les remerciais pour leur temps et engagement puis j’ai arrêté l’enregistrement.
Afin de retranscrire efficacement les entretiens, j’ai utilisé un logiciel sur le Web, Turboscribe (https://turboscribe.ai/fr), qui permet d’importer des fichiers vocaux et de les retranscrire rapidement et gratuitement. J’ai ensuite relu les transcriptions tout en écoutant les enregistrements vocaux pour m’assurer qu’aucun mot n’a été oublié par le logiciel. Une fois les entretiens retranscrits proprement, j’ai annoté chaque réponse qui correspondait à une stratégie en mentionnant à la fin de la stratégie le numéro de la catégorie à laquelle elle correspondait (de 1 à 15). J’ai ensuite créé un fichier Excel sur lequel j’ai séparé les deux entretiens. J’ai créé une colonne pour chacun des six scénarios (S1 pour scénario 1, S2 pour scénario 2, etc.), une colonne pour la régularité de chaque stratégie (jugée de 1 à 4), et enfin une colonne pour la fréquence (combien de fois chaque stratégie est mentionnée par scénario). Il y avait donc 18 colonnes pour chaque entretien.
- Présentation des résultats
La fréquence d’utilisation pour chaque stratégie d’autorégulation sont présentées dans le tableau 1. Les données pour chacune des utilisations des stratégies sont présentées séparément pour chaque participante (P1 et P2[1]). Les moyennes (M) varient entre zéro et 1 parce que chaque catégorie a été notée de manière dichotomique (0 = n’est pas apparue dans l’un des 6 scénarios, 1 = est apparue au moins une fois dans l’un des six scénarios).
Tableau 1
Moyennes des stratégies d’apprentissage autorégulé selon leur utilisation.
Catégories de stratégies | P1 | P2 | M |
1. Auto-évaluation | 0 | 0 | 0 |
2. Organisation et transformation | 1 | 1 | 1 |
3. Fixation d’objectifs et planification | 1 | 1 | 1 |
4. Recherche d’informations | 1 | 1 | 1 |
5. Tenue de registres et suivi | 1 | 1 | 1 |
6. Structuration de l’environnement | 1 | 1 | 1 |
7. Conséquences personnelles | 0 | 1 | 0.5 |
8. Répétition et mémorisation | 0 | 1 | 0.5 |
9-11. Recherche d’aide sociale | 0 | 1 | 0.5 |
12-14. Examen des dossiers | 1 | 0 | 0.5 |
15. Autres | 1 | 0 | 0.5 |
Toutes les stratégies ont été mentionnées au moins une fois, à l’exception de la stratégie n°1, l’auto-évaluation, qui n’apparait chez aucune des participantes. Les stratégies 2,3,4,5,6 ont été mentionnées par les deux participantes. Les stratégies 7,8 et 9 sont apparues chez la deuxième participante seulement, et les stratégies 13 et 15 chez la première seulement.
Chez la première participante (P1), la stratégie la plus mentionnée au travers des scénarios est la stratégie 15 (autres). Cette dernière a été comptabilisé 6x en tout. La plupart du temps, il était mention de procrastination (4x) ou d’auto-questionnement (2x) sur ce que l’enseignant pourrait attendre des étudiant-e-s en vue d’un examen. Ces stratégies ne figurent pas dans le tableau des catégories et ont donc été répertoriées comme « autres ». Les autres stratégies les plus mentionnées chez cette participante sont les stratégies 2,3,5 et 6 (2x chacune). Les stratégies 4 et 13 ont été mentionnées une fois seulement. La plupart de ces stratégies ont été jugées être utilisées entre fréquemment et la plupart du temps, à l’exception de la stratégie 9 (recherche d’aide de ses pairs) qui a été estimée à une utilisation rare.
Concernant la deuxième participante (P2), la stratégie la plus mentionnée est la stratégie 5 (tenue de registres et suivis), avec au total trois mentions au travers des scénarios. Les autres stratégies les plus utilisées sont les stratégies 2 et 4, avec deux mentions chacune. Les stratégies les moins souvent mentionnées ont été les stratégies 3,6,7,8, et 9, chacune mentionnée une seule fois. Toutes ces stratégies ont été évaluées comme utilisées entre fréquemment et la plupart du temps.
D’après la fréquence des mentions des stratégies, il y a une différence d’utilisation de stratégies entre ces deux étudiantes. La première (P1) avoue utiliser le plus souvent la procrastination et l’auto-questionnement, la deuxième (P2) utilise davantage la prise de notes sur les discussions en classe.
Schéma 1
Fréquence d’utilisation des stratégies pour P1 et P2 au travers des six scénarios.

- Discussion sur l’outil de mesure
Cet outil révèle certaines forces. Premièrement, les différentes stratégies mesurées ont été validées théoriquement et empiriquement comme représentant un construit cohérent d’apprentissage autorégulé (Zimmerman & Pons, 1986). Comme c’est un entretien structuré, les mêmes questions sont posées aux participant-e-s qui sont évalué-e-s selon les mêmes critères. Cela permet de renforcer la fidélité du test en le rendant facilement reproductible et en permettant à l’intervieweur-euse de garder facilement le fil de la discussion. Poser les mêmes questions aux participant-e-s permet de mieux cibler les réponses et d’augmenter la validité du test. Finalement, si la réponse attendue n’est pas claire, l’intervieweur-euse peut poser une question de relance afin d’aider l’étudiant-e à trouver des stratégies d’apprentissage. De plus, le niveau d’accord entre les évaluateurs a dépassé 80%, ce qui indique une bonne fidélité inter-évaluateurs dans la cotation des réponses des étudiant-e-s aux entretiens (Zimmerman & Pons, 1986).
Cependant, quelques faiblesses sont à signaler quant à cet outil. Premièrement, c’est un entretien qui a été développé aux Etats-Unis en 1986 sur des élèves de 16 ans (Sophomore year) (Zimmerman & Pons, 1986). Comme nous appliquons l’entretien sur des élèves suisses, à l’Université et 30 ans plus tard, il peut y avoir un manque de validité culturelle et temporelle. Les scénarios, exemples ou attentes dans les questions peuvent sembler décalés ou incompréhensibles pour des étudiant-e-s suisses d’aujourd’hui, réduisant la capacité de l’entretien à mesurer ce qu’il est censé évaluer. À titre d’exemple, la première participante avait du mal à répondre au deuxième scénario car elle jugeait que l’exercice fictif proposé arrivait rarement dans son parcours universitaire. Elle a d’ailleurs demandé de préciser la question pour savoir si un délai était imposé ou pas. Concernant le premier scénario, la deuxième participante a demandé s’il y avait des supports de cours comme des slides sur lesquelles elles auraient pu prendre des notes, ce qui n’existait pas dans le contexte où l’entretien a été développé. Après avoir répondu négativement, la participante avait de la peine à imaginer un cours sans support et a finalement répondu en fonction de ses habitudes.
- MSLQ
- Description de l’outil
Le Motivated strategies for learning questionnaire est un outil d’évaluation auto-rapporté utilisé pour mesurer la motivation et les stratégies d’apprentissage des étudiant-e-s dans un contexte d’apprentissage spécifique. Développé par Pintrich et ses collègues puis publié en 1991, il est souvent utilisé dans le cadre de recherches en éducation pour comprendre comment les étudiant-e-s régulent leur apprentissage et leur motivation dans des environnements académiques. Après avoir développé cet outil, les auteurs sont partis de l’hypothèse que les sous-échelles du MSLQ montrent des degrés variables d’utilité pour prédire les résultats académiques, en fonction de la nature des stratégies d’apprentissage et des motivations évaluées (Credé et Phillips, 2011). Pour l’étude présentée ci-dessous, le lien avec les résultats académiques ne sera pas analysé.
Le questionnaire MSLQ présente 81 items auxquels les étudiant-e-s doivent répondre sur une échelle de Likert de 1 (pas du tout vrai pour moi) à 7 (très vrai pour moi). Les 81 questions peuvent être regroupées en deux catégories distinctes : 31 questions pour la catégorie motivationnelle, et 50 questions pour la catégorie des stratégies d’apprentissage, elle-même divisée en deux parties : les stratégies d’apprentissage cognitives et métacognitives, et les stratégies d’apprentissage liées aux gestions des ressources. Chaque catégorie est divisée en plusieurs sous-échelles afin de cibler les différentes composantes de la motivation et des stratégies d’apprentissage. Cela permet d’obtenir une compréhension détaillée et multidimensionnelle de ces processus complexes.
Tableau 2
Catégories du MSLQ avec les sous-échelles et le nombre d’items correspondant.
Catégorie | Sous-échelle | Nombre d’items |
Motivation (31 items) | Buts intrinsèques | 4 |
Buts extrinsèques | 4 | |
Valeur de la tâche | 6 | |
Contrôle des croyances d’apprentissage | 4 | |
Auto-efficacité | 8 | |
Anxiété liée aux tests | 5 | |
Stratégies d’apprentissage cognitives et métacognitives (31 items) | Répétition | 4 |
Elaboration | 6 | |
Organisation | 4 | |
Pensée critique | 5 | |
Autorégulation métacognitive | 12 | |
Stratégies d’apprentissage liées aux gestions de ressources (19 items) | Gestion du temps et de l’environnement | 8 |
Régulation de l’effort | 4 | |
Apprentissage par les pairs | 3 | |
Recherche d’aide | 4 |
- Méthodologie
Le questionnaire a été attribué sous format papier aux deux participantes qui l’ont rempli chacune de leur côté pendant leur temps libre. Le questionnaire comportait des indications sur le but de l’étude, la confidentialité des données, les questions démographiques (âge, genre, faculté, niveau d’étude) et comment répondre sur l’échelle de Likert (de 1 à 7). Les participantes devaient répondre en s’imaginant étudier pour un cours spécifique. Comme ces dernières ne sont pas dans la même faculté, je leur ai demandé de penser à un cours difficile qu’elles suivaient au cours de ce semestre, en espérant faciliter la mise en situation d’apprentissage. Les 81 questions ont été randomisées afin d’éviter les potentiels biais liés à l’effet d’ordre ou de fatigue. Une fois le questionnaire rempli et récupéré, les résultats ont été reporté sur un fichier Excel. Il fallait faire attention à faire correspondre les réponses de mon questionnaire randomisé aux numéros des questions correspondantes dans le manuel de base développé par Pintrich et al. (1991). De plus, certaines réponses devaient être codées à l’envers : si la participante avait entouré le chiffre 1 sur l’échelle de Likert, il fallait coder comme un 7. Après avoir reporté correctement les réponses de mon questionnaire sur Excel, j’ai pu calculer les moyennes pour chaque participante dans chaque sous-échelle.
- Présentation des résultats
- Moyennes pour la catégorie « motivation » :
Buts extrinsèques | Buts intrinsèques | Valeur de la tâche | Croyances apprentissage | Auto-efficacité | Anxiété | M | |
P1 | 4,2 | 3,5 | 5,8 | 5,2 | 4,3 | 2,2 | 4,2 |
P2 | 4 | 3 | 6,5 | 5 | 4,2 | 4,6 | 4,5 |
- Moyennes pour la catégorie « stratégies d’apprentissage cognitives et métacognitives » :
Répétition | Élaboration | Organisation | Pensée critique | Autorégulation métacognitive | M | |
P1 | 4,5 | 6,1 | 5,5 | 5 | 4,6 | 5,1 |
P2 | 5 | 5,5 | 6,2 | 5,4 | 4,3 | 5,2 |
- Moyennes pour la catégorie « stratégies d’apprentissage liées aux gestions de ressources » :
Gestion du temps et de l’environnement | Régulation de l’effort | Apprentissage par les pairs | Recherche d’aide | M | |
P1 | 4,8 | 3,5 | 2,3 | 2,7 | 3,3 |
P2 | 5,6 | 4,5 | 2 | 2 | 3,5 |
Les moyennes du MSLQ ont été calculées pour évaluer quelles dimensions de la motivation et des stratégies d’apprentissage des participantes sont les plus utilisées lorsqu’elles étudient. Les moyennes obtenues pour chaque catégorie du questionnaire offrent aussi un aperçu global des comportements des étudiantes en situation d’apprentissage.
Premièrement, les moyennes globales (M) donnent des indications sur le niveau d’utilisation des stratégies par les participantes dans un contexte d’apprentissage. En ce sens, P1 et P2 semblent mobiliser davantage des stratégies d’apprentissage cognitives et métacognitives lorsqu’elles étudient, plutôt que des orientations motivationnelles ou des stratégies liées aux gestions de ressources (MP1 = 5.1 et MP2 = 5.2). À l’inverse, ce sont les stratégies d’apprentissage liées aux gestions de ressources qui semblent être les moins mobilisées par les deux étudiantes (MP1 = 3.3 et MP2 = 3.5).
En second lieu, pour chacune des trois catégories, les moyennes de chaque sous-échelle indiquent quelles stratégies sont les plus ou moins utilisées par les participantes avec plus de précisions. P1 semble s’orienter davantage vers l’élaboration lorsqu’elle étudie pour le cours (M = 6.1) alors que P2 s’oriente vers la valeur de la tâche (M = 6.5). A l’inverse, la stratégie la moins utilisée par P1 parmi les 15 sous-échelles est l’anxiété liée aux tests (M = 2.2), alors que pour P2 ce sont l’apprentissage par les pairs (M = 2) et la recherche d’aide (M = 2).
- Discussion sur l’outil de mesure
Plusieurs aspects de la validité de cet outil sont à relever. Premièrement, le questionnaire présente une bonne validité de construit avec 6 sous-échelles pour la catégorie motivation et 9 pour les stratégies d’apprentissage (Pintrich et al, 1991). De plus, plusieurs items (de 3 à 12) sont proposés sur une même sous-échelle pour renforcer la validité de construit. Ensuite, la validité prédictive de l’outil est élevée : les corrélations entre les sous-échelles et la note finale des étudiant-e-s sont significatives (bien que modérées) (Credé & Phillips, 2011). Ce sont surtout les items pour la “régulation de l’effort » (ρ = .40), l’ »auto-efficacité » (ρ = .37) et la « gestion du temps et de l’environnement » (ρ = .31). Cependant, certaines sous-échelles (par exemple, « apprentissage par les pairs » et « recherche d’aide ») ont des validités prédictives faibles ou nulles. Cela peut être attribué à des problèmes psychométriques, comme des items mal formulés ou une redondance entre certaines sous-échelles. L’interprétation de ces items est alors à prendre avec précaution si on veut analyser le lien entre ces stratégies et la performance scolaire (Crédé et Phillips, 2011).
Le questionnaire MSLQ révèle une certaine robustesse en termes de fidélité. En effet, le questionnaire ayant été testé par Pintrich et al. (1991) sur plus de 300 étudiant-e-s de 37 classes différentes de « college students », la consistance interne est solide : la cohérence entre les items varie de « acceptable » à « élevée » (avec des alphas de Cronbach variant de .52 à .93). L’outil tend alors à donner des résultats stables. Toutefois, certaines sous-échelles présentent des items problématiques (comme « recherche d’aide » et « apprentissage par les pairs ») qui présentent des fidélités plus basses. Cela peut être dû à des formulations d’items inadéquates ou à des ressemblances conceptuelles avec d’autres sous-échelles (Crédé et Phillips, 2011).
Finalement, le MSLQ est un outil pertinent car son approche multidimensionnelle en fait un outil complet pour analyser divers aspects de l’apprentissage. Il mesure à la fois les dimensions motivationnelles et les dimensions stratégiques en situation d’apprentissage. De plus, sa validité prédictive permet de comprendre quelles stratégies influencent la performance scolaire au bénéfice des étudiant-e-s. Cependant, l’outil présente certaines limites comme les éventuels biais de désirabilité sociale ou de sur/sous-estimation dus au questionnaire auto-rapporté. De plus, bien qu’adapté dans plusieurs contextes (Karadeniz et al. (2008) ; Lee et al. (2010)), certains items peuvent ne pas être entièrement pertinents dans des systèmes éducatifs très différents de celui pour lequel il a été conçu à l’origine.
- Comparaison entre les deux outils : SRLIS et MSLQ
Le SRLIS et le MSQL sont deux outils pertinents pour évaluer l’apprentissage autorégulé chez les étudiant-e-s avec des approches et des formats différents. L’entretien structuré du SRLIS vise à recueillir des données qualitatives sur les processus d’apprentissage autorégulé. L’entretien offre une compréhension plus profonde et nuancée des comportements d’apprentissage à l’Université. Le questionnaire auto-rapporté du MSLQ permet de récolter des données quantitatives, utiles pour des grands échantillons, et apporte une dimension nouvelle par rapport au SRLIS avec l’orientation motivationnelle des étudiant-e-s. Ces deux outils se complètent bien car le MSLQ peut apporter une explication motivationnelle sur les réponses données au SRLIS, et le SRLIS permet de comprendre dans quel contexte les stratégies sont utilisées (à la maison, en classe, lors d’un devoir, etc.). Combiner qualitatif et quantitatif permet d’obtenir une image plus complète de l’apprentissage autorégulé.
Conclusion
Combiner les deux outils présentés est une bonne manière de comprendre l’utilisation des stratégies d’apprentissage chez les étudiant-e-s. Le MSLQ donne des indications sur les stratégies d’apprentissage et les orientations motivationnelles des étudiant-e-s dans une situation d’apprentissage spécifique (un cours spécifique), et le SRLIS permet d’explorer les stratégies d’apprentissage autorégulé des étudiant-e-s dans six situations différentes. Malgré tout, appliquer ces outils dans le contexte universitaire actuel me pousse à vouloir revoir certains aspects méthodologiques.
Concernant le SRLIS, adapter les scénarios en fonction de ce que la majorité des étudiant-e-s vivent à l’Université, puis préparer des questions de relance en lien avec leur faculté rendrait l’entretien plus réaliste, les questions plus ciblées et les réponses plus variées. De plus, lors de l’analyse des réponses, la question de la procrastination a surgi. Faut-il la coder comme une stratégie d’apprentissage non-autorégulée, donc « autre » ? ou ne pas la considérer comme une stratégie d’apprentissage du tout ? La question a fait débat entre mon collègue et moi-même lors de la comparaison de nos résultats. Malgré tout, l’entretien a permis de dévoiler 10 stratégies d’apprentissage régulé différentes sur les 14 proposées, ce qui démontre la variété et la pertinence des scénarios.
Quant au MSLQ, afin de renforcer la validité cognitive de l’outil, proposer un entretien cognitif avec les participant-e-s peut être judicieux afin de s’assurer que ces derniers-ères ont bien compris les questions comment moi je les ai comprises. Cela éviterait les incohérences dans les réponses comme les réponses au hasard, le biais de désirabilité sociale, ou encore le biais de sur/sous-estimation. L’entretien cognitif permettrait donc d’améliorer la clarté des items, d’assurer que les réponses reflètent bien les processus cognitifs et motivationnels ciblés, et de garantir que l’outil est adapté à différents publics et contextes. De plus, malgré les bonnes validités et les fidélités présentées par Pintrich et al. (1991), Jackson (2018) recommande d’évaluer la validité du MSLQ pour divers groupes dans différents contextes et environnement, avec des étudiant-e-s de différents âges, ethnies et niveaux de réussite.
Bibliographie
Boulet, A. & Savoie-Zajc, L. (2011). Les stratégies d’apprentissage à l’université. Presses de l’Université du Québec.
Boakaerts, M. (1999). Self-regulated learning : where we are today. International Journal of Educational Research, 31(6), 445-457.
Credé, M., & Phillips, L. A. (2011). A meta-analytic review of the Motivated Strategies for Learning Questionnaire. Learning and Individual Differences, 21(4), 337–346. https://doi.org/10.1016/j.lindif.2011.03.002
Jackson, C. R. (2018). Validating and Adapting the Motivated Strategies for Learning Questionnaire (MSLQ) for STEM Courses at an HBCU. AERA Open, 4(4). https://doi.org/10.1177/2332858418809346
Karadeniz, S., Büyüköztürk, S., Akgün, Ö. E., Çakmak, E. K., & Demirel, F. (2008). The Turkish Adaptation Study of Motivated Strategies for Learning Questionnaire (MSLQ) for 12-18 Year Old Children: Results of Confirmatory Factor Analysis. TOJET the Turkish Online Journal of Educational Technology, 7(4), 108-117.
Accès via : http://www.tojet.net/articles/v7i4/7412.pdf
Lee, J. C.-K., Zhang, Z., & Yin, H. (2010). Using multidimensional Rasch analysis to validate the Chinese version of the Motivated Strategies for Learning Questionnaire (MSLQ-CV). European Journal of Psychology of Education, 25(1), 141–155. https://doi.org/10.1007/s10212-009-0009-6
Pintrich, P., Smith, D., Duncan, T., & Mckeachie, W. (1991). A Manual for the Use of the Motivated Strategies for Learning Questionnaire (MSLQ). Ann Arbor.
Zimmerman, B.-J., & Martinez-Pons, M. (1986). Self-Regulated Learning Strategies Development of a Structured Interview for Assessing Student Use of. American Educational Research Journal, 82(4), 614-628.
[1] P1 : Participante n°1, étudiante en Master d’histoire et P2 : Participante n°2, étudiante en Bachelor de Médecine