Autrice : Lea BRIGUET
1 Introduction
Les stratégies d’apprentissage permettent aux apprenant·e·s d’ajuster leurs efforts et d’appliquer des processus et des connaissances dans le but d’apprendre des contenus ou des compétences. Ménard (2021) décrit les trois grands construits des stratégies d’apprentissage. Le premier décrit les stratégies cognitives que l’apprenant·e mobilise pour traiter les informations qu’il ou elle reçoit. Le deuxième décrit les stratégies d’autorégulation métacognitives. Finalement, la gestion des ressources réfère aux capacités de l’apprenant·e à gérer l’environnement dans lequel il·elle agit afin d’ajuster les stratégies cognitives et métacognitives. Pour ce travail, nous nous intéressons particulièrement à ce deuxième type de stratégies.
L’autorégulation de l’apprentissage permet non seulement de guider les apprentissages durant la scolarité obligatoire, mais aussi de développer les compétences de régulation des savoirs tout au long de la vie (Boekaerts, 1997). L’apprentissage autorégulé mobilise la métacognition et décrit une adaptation à son environnement : il s’agit de la régulation des savoirs, des motivations et des comportements en vue d’atteindre un objectif donné (Schunk et Greene, 2018). Pour pouvoir autoréguler son apprentissage, il faut donc avoir des compétences métacognitives. Hacker (1998) décrit la métacognition comme la connaissance sur ses connaissances, ses états émotionnels et cognitifs, et l’habileté de monitorer et de réguler ceux-ci. La métacognition est un indicateur de réussite à compétences égales (Veenman et al., 2005) et permet un gain d’apprentissage conséquent, à condition que l’enseignant·e encourage directement et explicitement l’utilisation de celle-ci (Kistner et al., 2010). Beaucoup de termes sont liés à l’autorégulation de l’apprentissage, car celle-ci est influée par beaucoup de facteurs : l’environnement, son comportement et sa personne (Usher et Schunk, 2017).
Dans ce travail, nous présentons et explorons l’utilisation de deux instruments qui évaluent l’autorégulation d’élèves ou d’étudiant·e·s. Le premier instrument est le SRLIS (Self-Regulated Learning Interview Schedule) et le deuxième est le MSLQ (Motivated Strategies for Learning Questionnaire). La question de recherche que nous posons est : Quelle modalité se prête le mieux pour récolter les stratégies mobilisées par des étudiant·e·s du niveau tertiaire et quelle complémentarité entre les deux outils analysés ?
Nous décrirons ces outils, l’échantillon, la méthodologie utilisée pour chacun et apporterons une réflexion critique sur les résultats obtenus et la comparaison des deux outils.
2 Self-Regulated Learning Interview Schedule
2.1 Description
L’instrument Self-Regulated Learning Interview Schedule (SRLIS) mesure les stratégies d’apprentissage d’autorégulation d’élèves du secondaire I. Ces stratégies sont définies par une action délibérée de la part de l’étudiant·e (Zimmerman et Pons, 1986).
La mesure de l’autorégulation peut permettre de découvrir les stratégies efficaces pour apprendre. Zimmerman et Pons (1986) ont développé un des premiers instruments pour évaluer leurs utilisations dans des contextes naturels d’apprentissage, dans et en dehors de la classe. Cet outil permet d’identifier quatorze types de stratégies d’autorégulation. Il s’agit d’un entretien guidé qui présente six scénarios pouvant survenir dans le parcours scolaire de l’élève. Pour chaque scénario, les interviewé·e·s doivent partager les stratégies et les manières dont ils et elles font face à la situation proposée. Pour les auteurs, l’entretien est plus adéquat qu’un questionnaire, car il évite d’influencer les réponses des élèves et permet aussi de relancer les élèves peu loquaces.
L’objectif de Zimmerman et Pons (1986) était de déterminer si des élèves provenant de filières dites supérieures, étant plus performants, mobilisent davantage de stratégies d’autorégulation que ceux d’autres filières et quelles étaient les plus utilisées. Les résultats de leur étude présentent une corrélation significative entre la filière d’étude et la quantité de stratégies d’autorégulation utilisées : les élèves performants mobilisent plus de stratégies. Les auteurs ont par ailleurs trouvé que les élèves plus performants mobilisaient plus de stratégies d’aides sociales que les élèves moins performants. Ces dernier·ère·s mobilisent plutôt des stratégies non autorégulatrices.
2.2 Échantillon
Puisqu’il s’agit d’une recherche exploratoire réalisée dans un temps restreint, nous avons décidé de limiter la taille de l’échantillon à deux sujets. Les seuls critères de sélection étaient que les participant·e·s soient actuellement inscrits dans une haute école ou une université et parlent le français.
L’échantillon retenu est un échantillon de convenance, trouvé par des contacts personnels de l’autrice de ce travail. Les deux personnes sont des jeunes adultes de 24 et 25 ans. Il s’agit respectivement d’une femme et d’un homme, tous les deux étudiant au niveau master à l’université de Fribourg. La femme étudie le français et l’histoire de l’art dans la faculté des lettres et l’homme l’informatique dans la faculté des sciences et médecines.
2.3 Méthodologie
Pour le SRLIS, nous avons créé un guide d’entretien directif à l’image de celui utilisé par Zimmerman et Pons (1986) pour récolter les données de manière uniforme entre nos deux participant·e·s. Ce guide d’entretien présente en première page le déroulement de l’entretien, puis un espace pour récolter les informations démographiques de la personne interviewée. Les informations que nous avons récoltées sont : l’âge, le genre, l’école ou la faculté visitée et le niveau d’étude. Comme nous enregistrons les entretiens afin de les retranscrire, nous avons également demandé le consentement des participant·e·s a cet égard.
Sur la deuxième page du guide, nous avons disposé les six scénarios, en indiquant par ailleurs la question de relance et l’échelle de fréquence à questionner pour chaque stratégie. Les scénarios ont été librement traduits de l’anglais. L’entretien est directif : l’intervieweuse présente un scénario après l’autre et l’interviewé·e doit exprimer les stratégies qu’il·elle pense mobiliser dans cette situation.Puis, il·elle doit aussi définir la régularité de ces stratégies. La régularité est exprimée sur une échelle de quatre item : 1 = rarement ; 2 = occasionnellement ; 3 = fréquemment ; et 4 = la plupart du temps. La relance mobilisée est la suivante : « Et si tu as des difficultés ? Y a-t-il une ou des méthode(s) particulière(s) que tu utilises ? ». Les deux entretiens se sont déroulés en présence, dans des conditions similaires : un endroit calme, choisi par le·la participant·e. Les entretiens ont été enregistrés puis retranscrits.
L’analyse des données est réalisée à trois niveaux généraux, comme défini dans l’article de Zimmerman et Pons (1986). La première est appelée strategy use (SU). Il s’agit d’une variable dichotomique, indiquant si la stratégie est mentionnée lors de l’entretien. La deuxième est la strategy frequency (SF), qui indique le nombre total de fois qu’un type de stratégie est mentionné pendant l’entretien, au travers des scénarios. Finalement, la strategy consistency (SC) indique la régularité moyenne de la stratégie et fait référence aux scores indiqués par le·la participant·e sur l’échelle de régularité. Nous réalisons une analyse qualitative descriptive des données récoltées, en raison du manque de représentativité de notre échantillon. Notre objectif est d’explorer les instruments et non de suggérer une généralisation.
2.4 Résultats
Nous présentons les résultats encodés des entretiens menés pour chaque participant·e.
Tableau 1 : Grille récapitulative 241018-MD
Catégorie de stratégies | Utilisation de stratégies (SU) | Fréquence de stratégies (SF) | Régularité de stratégies (SC) |
1. Auto-évaluation | 1 | 3 | 4 |
2. Organisation et transformation | 1 | 1 | 2 |
3. Fixation d’objectifs et planification | 1 | 6 | 3.63 |
4. Recherche d’informations | 1 | 3 | 3.33 |
5. Tenue de registres et suivi | 1 | 1 | 4 |
6. Structuration de l’environnement | 1 | 4 | 3 |
7. Conséquences personnelles | 0 | 0 | – |
8. Répétition et mémorisation | 1 | 1 | 4 |
9-11. Recherche d’aide sociale | 1 | 4 | 3 |
12-14. Examen des dossiers | 1 | 5 | 3.29 |
15. Autres | 0 | 0 | – |
Le tableau 1 montre les trois niveaux d’analyse différents (SU, SF et SC) qui résument les données pour la première personne. À noter que pour la SF, nous n’avons retenu que le nombre de stratégies différentes mentionnées au sein de la catégorie de stratégie. Nous voyons que le sujet mobilise presque toutes les stratégies d’autorégulation, et ce, à une régularité qui varie entre 3.29 et 4, à l’exception de l’organisation et transformation, qui est à 2. Les trois stratégies ayant été identifiées comme mobilisées le plus souvent, c’est-à-dire plus ou égal à quatre fois pour ce sujet, sont la fixation d’objectifs et planification, la structuration de l’environnement, la recherche d’aide sociale et aussi l’examen des dossiers. Nous voyons que ce sujet mobilise davantage l’aide sociale, comme les élèves performants dans l’étude de Zimmerman et Pons (1986). Néanmoins, il mobilise aussi beaucoup d’autres stratégies. La planification, par exemple, semble être une stratégie très importante : « Je fais les exercices tout au long du semestre, donc il y a une préparation très continue, très agréable, parce que quand on arrive vers la période de l’examen, on se rend compte qu’en fait, il y a pleins de choses qu’on sait déjà » (Annexe B.1). Ce fait est intéressant, car la planification est la première étape de l’apprentissage autorégulé (Pintrich, 2004). Il est possible qu’il s’agisse d’un facteur important de réussite.
Tableau 2 : Grille récapitulative 241022-JK
Catégorie de stratégies | Utilisation de stratégies (SU) | Fréquence de stratégies (SF) | Régularité de stratégies (SC) |
1. Auto-évaluation | 1 | 1 | 2 |
2. Organisation et transformation | 1 | 2 | 4 |
3. Fixation d’objectifs et planification | 1 | 4 | 3.75 |
4. Recherche d’informations | 1 | 3 | 3 |
5. Tenue de registres et suivi | 1 | 4 | 4 |
6. Structuration de l’environnement | 1 | 5 | 3.17 |
7. Conséquences personnelles | 1 | 1 | 2 |
8. Répétition et mémorisation | 0 | 0 | – |
9-11. Recherche d’aide sociale | 1 | 2 | 3 |
12-14. Examen des dossiers | 1 | 1 | 3.5 |
15. Autres | 1 | 1 | 3 |
Le tableau 2 présente les résultats pour le deuxième sujet. Ce sujet mobilise le plus souvent la fixation d’objectifs et planification, la tenue de registres et suivi et la structuration de l’environnement avec une mention entre 4 et 5 stratégies différentes. Nous remarquons ici que la recherche d’aide sociale par les pairs n’est pas une des stratégies importantes. En effet, la participante indique que « […] j’essaye de trouver la réponse par moi-même, mais la plupart du temps, je vais la poser au prof ou à la prof » (Annexe B.2). Elle mobilise donc l’aide sociale, mais uniquement envers la personne enseignante. Cette différence peut être expliquée par le fait que la participante ressent que les autres étudiant·e·s ne se posent pas les mêmes questions qu’elle et ne peuvent par conséquent pas l’aider : « J’ai l’impression que c’est des questions un peu trop précises et un peu techniques dans le sens où, si eux, ils ont pas fait l’effort de se mettre dedans et de faire une lecture un peu similaire à la mienne, j’ai l’impression que […] c’est pas forcément des questions que les autres se posent. ».
2.5 Discussion
Nous nous concentrons dans cette discussion sur les résultats de la littérature et sur les expériences que nous avons pu mener dans une perspective de discussion de l’instrument. Nous souhaitons d’abord relever que nous avons quelques fois mobilisé des relances qui n’étaient pas dans le guide d’entretien pour explorer de manière plus approfondie le sujet. Il est également arrivé que, en connaissant le contexte de la personne, nous suggérions des stratégies que nous savions que la personne mobilise afin qu’elle s’exprime sur le sujet. Les résultats que nous mobilisons dans cette discussion doivent donc être lus en considérant ce fait.
En ce qui concerne la validité de l’outil en lui-même, Zimmerman et Pons (1988) ont examiné la cohérence entre deux méthodologies complètement différentes. Dans un premier temps, les élèves ont passé l’entretien SRLIS. Dans un second temps, les enseignant·e·s ont rempli un questionnaire pour décrire les stratégies qu’ils et elles observaient chez leurs élèves.
Les deux méthodes ont été croisées et les résultats de Zimmerman et Pons (1988) ont démontré qu’elles révèlent des observations similaires. L’outil a donc pu être validé, car les auteurs ont prouvé que les objectifs proposés du test sont observables (Bandalos, 2018).
Dans notre travail, nous avons pu observer que les interlocuteur·trice·s avaient l’impression de répéter souvent des stratégies et des méthodologies. Un grand désavantage de cet outil dans le contexte tertiaire est que les questions ne sont pas orientées pour ce public, puisqu’il est prévu pour des élèves du secondaire I. En effet, à l’université, il est rare d’avoir des devoirs obligatoires ou des tests pendant le semestre. Il serait par conséquent intéressant de retravailler l’outil en vue d’une nouvelle récolte de données, car une simple transposition de l’instrument dans un autre contexte n’est pas pertinente.
Nous trouvons que le modèle donné par Zimmerman et Pons (1986) ne donne pas assez d’informations sur le codage des données. Premièrement, certaines stratégies pouvaient être à la fois perçues comme une recherche d’aide ou une structuration d’environnement. Par exemple : « […] En notant du coup des points qui ressortent un peu dans les trois articles » (Catégorie 5, 241022-JK). Nous avons classé cette stratégie dans la tenue de registre et suivi, mais nous aurions également pu la considérer dans l’organisation et transformation de contenu. L’instrument gagnerait en fiabilité si la catégorisation des items était spécifiée de manière plus claire. Ensuite, certaines catégories semblent rassembler des stratégies qui sont différentes, comme l’organisation et la transformation ou la fixation d’objectifs et planification. Par conséquent, l’analyse perd en qualité. Les deux participant·e·s ont soulevé beaucoup de stratégies de planification lors de l’entretien, mais presque aucune fixation d’objectifs. Il apparaît ainsi inadéquat d’indiquer que le sujet mobilise ces deux aspects de manière égale à travers l’appellation de la catégorie.
Nous avons aussi fait l’expérience d’une difficulté de mobilisation du niveau de régularité (SC). Les étudiant·e·s ont énoncé beaucoup de stratégies au sein d’une même catégorie. Réaliser une moyenne entre ces différentes stratégies semble inadapté, puisque nous perdons des informations précieuses quant à la réelle régularité de chaque stratégie individuelle.
Les stratégies mobilisées le plus par les étudiant·e·s que nous avons interviewé·e·s ne sont pas les mêmes que celles trouvées par Zimmerman et Pons (1990). Ces auteurs ont réalisé une étude entre la cinquième et la onzième année aux États-Unis. Il serait intéressant dans des futurs travaux d’utiliser cet instrument au niveau tertiaire, afin de comprendre quelles stratégies sont mobilisées davantage par ce public et s’il existe des différences entre facultés.
3 Motivated Strategies for Learning Questionnaire
3.1 Description
Le Motivated Strategies for Learning Questionaire (MSLQ) est un questionnaire qui vise à évaluer les orientations motivationnelles et les utilisations de différentes stratégies d’apprentissage d’étudiant·e·s en début d’université (Pintrich et al., 1991). Les étudiant·e·s autorapportent leurs réponses à une série de 81 items sur une échelle de 1 à 7 (1 = ne me correspond pas du tout ; 7 = me correspond entièrement). Ce questionnaire doit être rempli dans le cadre d’un cours spécifique. Les traductions ont été réalisées par nous-mêmes en mobilisant notamment celles réalisées par Ménard et Legault (2010). Les énoncés sont séparés en deux grandes sections : une première sur la motivation et une deuxième sur les stratégies d’apprentissage.
La section de la motivation contient 31 items, répartis en trois composantes générales : la composante de valeur (buts intrinsèques, buts extrinsèques et valeur de la tâche), la composante d’attente (contrôle des croyances d’apprentissages et auto-efficacité) et la composante affective (anxiété aux tests). L’objectif de ces items est de comprendre la motivation de l’étudiant·e dans le cours en question. La section sur les stratégies d’apprentissage est séparée à son tour en deux composantes disctinctes : une sur les utilisations des différentes stratégies cognitives et métacognitives avec 31 items, et l’autre sur la gestion des ressources avec 19 items. Les stratégies cognitives et métacognitives sont réparties en cinq dimensions : la répétition, l’élaboration, l’organisation, la pensée critique et l’autorégulation métacognitive. La gestion des ressources est répartie en quatre dimensions : la gestion du temps et de l’environnement d’étude, la régulation de l’effort, l’apprentissage par les pairs et la recherche d’aide.
3.2 Méthodologie
L’échantillon utilisé pour cet instrument est identique à celui de la première partie.
Puisque le guide d’entretien de Pintrich et al. (1991) est en anglais, nous avons réalisé une traduction libre vers le français de tous les 81 items. Nous avons construit le document pour passer le questionnaire en deux parties. La première expliquait le contexte du questionnaire, les instructions précises à suivre (description de l’échelle et spécification à un cours) et les informations démographiques. Les informations recueillies sont les mêmes que pour le premier instrument, c’est-à-dire : l’âge, le genre, l’école ou la faculté et le niveau d’étude. Nous n’avons pas demandé aux étudiant·e·s d’indiquer à quel cours ceux-ci avaient pensé, mais cela aurait pu nous donner des informations intéressantes.
La deuxième partie du document présente les 81 items du questionnaire MSLQ, dans un ordre aléatoire, afin d’éviter la redondance des énoncés. Les questions sont disposées à gauche dans un tableau à deux colonnes, la colonne de droite présentant l’échelle devant être remplie.
Les deux participant·e·s ont répondu au questionnaire sur papier, après avoir passé l’entretien du SRLIS. La chercheuse est restée avec eux pendant le remplissage afin de répondre à d’éventuelles questions.
3.3 Résultats
La figure 1 présente les résultats de la motivation pour les deux étudiant·e·s. Dans tous les diagrammes, le rouge représente le premier étudiant (241018-MD) et le bleu représente la deuxième étudiante (241022-JK). Les barres sur les histogrammes représentent l’erreur standard.
Figure 1 : Résultats pour la section motivation

Ces résultats montrent que les deux participant·e·s ont une motivation très élevée pour le cours auquel ils·elles ont pensé. La valeur de la tâche est estimée comme la plus importante et utile pour les deux, avec un score de 7/7. Les buts sont davantage intrinsèques qu’extrinsèques pour les deux, ce qui nous indique que leurs raisons de s’investir dans le cours proviennent plus du cours en lui-même et moins des raisons externes comme la note ou la compétition. L’auto-efficacité (la croyance en la bonne réussite dans le cadre du cours) et le sentiment de contrôle (la croyance que les efforts seront récompensés par de bons résultats) au-dessus de 6/7 montrent que les participant·e·s sont confiants en leurs capacités.
Figure 2 : Résultats pour la section des stratégies cognitives et métacognitives

Dans la figure 2, vous trouvez les résultats en lien avec les stratégies cognitives et métacognitives. À nouveau, les scores sont très élevés pour les deux participant·e·s. La mobilisation aiguë de stratégies peut être due au fait que les deux apprenant·e·s sont en master. La répétition semble moins mobilisée par le deuxième sujet. Il est possible que cela soit dû à la nature des cours en français et en histoire de l’art, qui ne demandent pas toujours une connaissance par coeur des contenus. Sans savoir à quel cours la personne a pensé, nous ne pouvons pas explorer d’autres pistes de réflexion.
Figure 3 : Résultats pour la section des stratégies de gestion des ressources

Finalement, nous observons dans la figure 3 sur la gestion des ressources, que MD persiste avec des scores élevés. Il est intéressant de voir que pour ces deux catégories, les scores sont presque identiques entre elles chez les deux sujets. Une exploration intéressante serait d’évaluer si les deux catégories mesurent en effet deux aspects distincts.
3.4 Discussion
L’instrument MSLQ évalue tous les types de stratégies mentionnés par Ménard (2021) : les stratégies cognitives, les stratégies métacognitives et la gestion des ressources. La catégorisation n’est pas identique, mais les trois types peuvent être reconnus. Ceci nous laisse penser que cet outil permet efficacement d’identifier les stratégies d’apprentissage des étudiant·e·s.
Nous observons cependant que le questionnaire, à 81 items, est très long et contribue à une fatigue du ou de la répondant·e, ce qui peut avoir une influence sur les résultats. Une adaptation de la longueur du questionnaire permettrait d’éviter la fatigue et de cibler les questions plus précisément au public en question. Plusieurs études ont montré la validité de cette démarche (Soemantri et al., 2018 ; Wang et al., 2023).
Gérer le temps ou son environnement ne sont pas forcément les mêmes compétences, pourtant, dans le MSLQ, ces stratégies sont combinées dans une même catégorie. De plus, sur les huit énoncés de cette dimension, seulement deux sont relatifs à la gestion de l’environnement. Il serait pertinent d’évaluer dans de futurs travaux si cette dimension ne pourrait pas être séparée en deux. À l’inverse, dans notre échantillon, l’apprentissage par les pairs et la recherche d’aide paraissent liés, les deux ayant des résultats très proches pour nos deux sujets. Nous pouvons nous demander si ces dimensions mesurent des aspects distincts. De Araujo et al. (2023) ont évalué la validité structurelle et interne du questionnaire à l’aide d’une synthèse sur différentes études utilisant le MSLQ. Malgré l’invalidité trouvée dans les méthodologies, ils ont trouvé que le questionnaire mesure bel et bien 15 dimensions distinctes.
Cet outil ne permet pas de faire une généralisation des stratégies dans le cursus de l’étudiant·e, mais propose une spécificité intéressante qui peut être améliorée en adaptant l’instrument à la filière en question.
4 Comparaison des deux instruments de mesure
Dans cette section, nous effectuons une comparaison entre les deux instruments présentés : le SRLIS et le MSLQ. Les dimensions suivantes se prêtent au mieux pour réfléchir à la complémentarité des deux outils (MSLQ à gauche et SRLIS à droite) :
- Organisation –> Organisation et transformation
- Gestion du temps et de l’environnement –> Structuration de l’environnement
- Répétition –> Répétition et mémorisation
- Recherche d’aide –> Recherche d’aide sociale
Dans la figure 4, vous trouvez les moyennes de l’instrument MSLQ pour ces quatre dimensions. Pour le SRLIS, nous avons décidé de prendre les fréquences de stratégies différentes mentionnées au travers des scénarios.
La première observation que nous faisons est que les deux instruments n’indiquent pas de résultats convergents. Nous pourrions nous attendre à ce que l’étudiant, indiquant qu’il correspond fortement aux dimensions d’organisation du matériel de cours et de répétition dans le MSLQ, propose beaucoup de stratégies dans le SRLIS. Cependant, il n’a mentionné qu’une seule stratégie dans ce contexte. Nous pouvons nous poser la question de l’efficacité d’un (ou des deux) instruments dans l’identification des stratégies d’apprentissage. Une explication possible pour les résultats élevés du MSLQ est l’effet Hawthorne. Cet effet décrit le changement de comportement qu’un individu a quand il sait qu’il est observé, par exemple dû à la présence de l’autrice lors du remplissage du questionnaire. Il est possible que, par désirabilité sociale, la personne ait indiqué des scores plus élevés qu’il aurait été usuel.
Figure 4 : Comparaison des résultats du SRLIS et MSLQ pour 241018-MD

La figure 5 présente la comparaison des résultats des deux outils pour la deuxième participante. Nous remarquons que la structuration de l’environnement semble être importante pour l’étudiante : elle en mentionne cinq stratégies différentes dans le SRLIS. Ce résultat ne se reflète pas aussi clairement dans le MSLQ. Nous nous demandons si cette différence serait renforcée par le fait que la dimension dans le MSLQ combine deux stratégies (temps et environnement), qui ne représentent pas l’importance que l’étudiante porte sur la structuration de l’environnement.
La stratégie de répétition n’a jamais été mentionnée dans le SRLIS par l’étudiante. Le score que cette dimension a obtenu dans le MSLQ est en dessous de la moyenne. En ayant seulement le SRLIS, nous pourrions inférer qu’elle ne mobilise jamais la stratégie de répétition, mais le MSLQ apporte une nuance à notre analyse. La nature ouverte du SRLIS permet d’identifier les stratégies très conscientes que les participant·e·s mobilisent, mais pas l’intégralité de celles-ci.
Figure 5 : Comparaison des résultats du SRLIS et MSLQ pour 241022-JK

Dans l’entretien, l’étudiante nous a confié qu’elle ne voit pas l’intérêt de demander de l’aide à ses camarades et pose ainsi ses questions directement à l’enseignant·e au début du cours suivant. Dans le questionnaire MSLQ, cette différence de recherche d’aide sociale n’est pas identifiée. À l’aide de l’analyse du SRLIS nous pouvons expliquer le score bas par les éléments constitutifs de la dimension. Dans le tableau 3, nous voyons qu’un seul énoncé porte sur la recherche d’aide envers l’enseignant·e et deux envers les pairs. Nous observons que ces deux types de demande d’aide ne sont pas forcément intrinsèquement liés.
Tableau 3 : Énoncés de la dimension Recherche d’aide du MSLQ
Code | Énoncés | Inversé |
HSE1 | Même si j’ai de la difficulté à apprendre la matière de ce cours, j’essaie tout de même de le faire par moi-même, sans l’aide de personne. | Oui |
HSE2 | Je demande à l’enseignant d’expliquer les concepts que je ne comprends pas bien. | Non |
HSE3 | Quand je n’arrive pas à comprendre la matière de ce cours, je demande à un autre étudiant de la classe de m’aider. | Non |
HSE4 | J’essaie de repérer les étudiants de la classe à qui je peux demander de l’aide au besoin. | Non |
De manière générale, il est difficile de faire une comparaison stricte entre les deux outils, car leur public cible est différent : le secondaire I et le début de l’université. Cependant, nous observons que l’utilisation des deux instruments de manière conjointe peut avoir certains bénéfices, malgré la correspondance difficile. Grâce au SRLIS, nous avons pu récolter des informations fines sur l’utilisation et la fréquence des quatre stratégies partagées entre les deux instruments. Le MSLQ donne une vision d’ensemble complète en mesurant la correspondance de toutes les stratégies principales connues dans la recherche. Le SRLIS devrait être adapté au public cible et utilisé dans le cadre d’un cours spécifique pour que cette complémentarité soit plus pertinente.
5 Conclusion
Dans ce travail, nous avons examiné deux instruments de mesure des stratégies d’autorégulation des apprentissages. Notre question de départ était la suivante : Quelle modalité se prête le mieux pour récolter les stratégies mobilisées par des étudiant·e·s du niveau tertiaire et quelle complémentarité entre les deux outils analysés ?
Tout d’abord, les deux instruments ont leurs avantages et leurs inconvénients pour récolter les stratégies mobilisées par les étudiant·e·s du tertiaire. Le SRLIS permet de récolter les perceptions spontanées des apprenant·e·s sur les stratégies qu’il·elle mobilise dans ses études. Néanmoins, ces données sont larges et ne permettent pas d’identifier précisément le contexte de ces stratégies. De plus, il est possible que l’étudiant·e ne pense pas à une certaine stratégie qu’il mobilise de manière inconsciente. Le MSLQ permet d’avoir une bonne vue d’ensemble de l’utilisation des différentes stratégies dans un contexte précis. Cependant, nous perdons de la finesse d’analyse, puisqu’il s’agit d’un questionnaire et que certaines stratégies a priori différentes sont combinées dans une même dimension. Au vu de la spécificité de l’outil dans le contexte universitaire et du panorama étendu qu’il propose, le MSLQ semble néanmoins plus adéquat pour récolter les stratégies mobilisées par les étudiant·e·s du niveau tertiaire.
L’utilisation combinée des instruments nous a permis de comprendre des aspects de notre deuxième sujet qui n’auraient pas pu être identifiés autrement. La partie qualitative du SRLIS est donc très utile pour compléter les données du MSLQ, mais les trois niveaux d’analyse proposés par Zimmerman et Pons (1986) ne semblent pas indispensables. Ainsi, les deux outils ne sont pas complémentaires en l’état actuel, mais pourraient l’être avec des adaptations respectives.
En guise de réflexions, nous proposons de modifier les scénarios du SRLIS pour la faculté des étudiant·e·s en question et de poser des questions permettant d’interroger toutes les stratégies. Ensuite, les catégorisations du SRLIS doivent être davantage précisées, afin de garantir une fiabilité interjuges plus élevée. Zimmerman et Pons (1988) indique entre autres qu’il serait pertinent de séparer la relecture des notes personnelles, des examens et des manuels, qui actuellement sont dans la même catégorie. Une limite conceptuelle de l’outil qui pourrait aussi être explorée est que l’autoévaluation n’a pas pu être liée à la réussite de l’élève comme attendu dans l’étude de Zimmerman et Pons (1986).
Pour le MSLQ, la longueur du questionnaire devrait être revisitée afin d’éviter la fatigue des répondant·e·s. De plus, les composantes de la recherche d’aide devraient être analysées de manière approfondie pour évaluer si cette dimension ne combine pas deux stratégies différentes : la recherche d’aide envers les pairs et envers les enseignant·e·s ou adultes.
6 Références
Bandalos, D. L. (2018) Measurement theory and applications for the social sciences. The Guilford Press.
Boekaerts, M. (1997) Self-regulated learning : A new concept embraced by researchers, policy makers, educators, teachers, and students. Learning and Instruction 7, 161-186. https://doi.org/10.1016/S0959-4752(96)00015-1
De Araujo, J., Gomes, C. M. A., et Jelihovschi, E. G. (2023) The factor structure of the motivated strategies for learning questionnaire (MSLQ) : New methodological approaches and evidence. Psicologia : Reflexão e Crítica 36, 38. https://doi.org/10.1186/s41155-023-00280-0
Hacker, D. J. (1998) Definitions and empirical foundations. In D. J. Hacker et A. C. Graesser (Éd.), Metacognition in educational theory and practice (p. 1-23). Lawrence Erlbaum Associates.
Kistner, S., Rakoczy, K., Otto, B., Dignath-van Ewijk, C., Büttner, G., et Klieme, E. (2010) Promotion of self-regulated learning in classrooms : investigating frequency, quality, and consequences for student performance. Metacognition and Learning 5, 157-171. https://doi.org/10.1007/s11409-010-9055-3
Ménard, L. (2021) Apprendre à apprendre : stratégies d’apprentissage efficaces et compétences d’autorégulation. Pédagogie collégiale 34, 4-10.
Ménard, L., et Legault, F. (2010) La formation à l’enseignement au postsecondaire : ses composantes et ses effets sur la motivation des étudiants. Actualité de la recherche en éducation et en formation, 1-11.
Pintrich, P. (2004) A conceptual framework for assessing motivation and self-regulated learning in college students. Educational Psychology Review 16, 385-407. https://doi.org/10.1007/s10648-004-0006-x
Pintrich, P., Smith, D., Duncan, T., et Mckeachie, W. (1991) A Manual for the Use of the Motivated Strategies for Learning Questionnaire (MSLQ). Ann Arbor. Michigan 48109, 1259. Schunk, D. H., et Greene, J. A. (2018) Historical, contemporary, and future perspectives on self-regulated learning and performance. [Place : New York, NY, US Publisher : Routledge/Taylor & Francis Group]. Handbook of self-regulation of learning and performance, 2nd ed. Educational psychology handbook series. 1-15. https://doi.org/10.4324/9781315697048-1
Soemantri, D., Mccoll, G., et Dodds, A. (2018) Measuring medical students reflection on their learning : Modification and validation of the motivated strategies for learning questionnaire (MSLQ). BMC Medical Education 18, 274. https://doi.org/10.1186/s12909-018-1384-y
Usher, E. L., et Schunk, D. H. (2017, septembre 7) Social cognitive theoretical perspective of self-regulation. In D. H. Schunk et J. A. Greene (Éd.), Handbook of self-regulation of learning and performance (2e éd., p. 19-35). Routledge. https://doi.org/10.4324/9781315697048-2
Veenman, M. V. J., Kok, R., et Blöte, A. W. (2005) The relation between intellectual and metacognitive skills in early adolescence. Instructional Science 33, 193-211. https://doi.org/10.1007/s11251-004-2274-8
Wang, F., Jiang, C., King, R. B., et Leung, S. O. (2023) Motivated strategies for learning questionnaire (MSLQ) : Adaptation, validation, and development of a short form in the chinese context for mathematics. Psychology in the Schools 60, 2018-2040. https://doi.org/10.1002/pits.22845
Zimmerman, B. J., et Pons, M. M. (1986) Development of a Structured Interview for Assessing Student Use of Self-Regulated Learning Strategies. American Educational Research Journal 23, 614-628. https://doi.org/10.3102/00028312023004614
Zimmerman, B. J., et Pons, M. M. (1988) Construct Validation of a Strategy Model of Student Self-Regulated Learning. Journal of Educational Psychology 80, 284-290. https://doi.org/10.1037/0022-0663.80.3.284
Zimmerman, B. J., et Pons, M. M. (1990) Student Differences in Self-Regulated Learning : Relating Grade, Sex, and Giftedness to Self-Efficacy and Strategy Use. Journal of Educational Psychology 82, 51-59. https://doi.org/10.1037/0022-0663.82.1.51